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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/463

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étaient tout près du palais, pour recevoir les prisonniers qui n’étaient pas envoyés à ceux de la citadelle Henry, à deux lieues de là[1].

Dans ces derniers cachots, une infinité de victimes ont péri d’une mort plus ou moins lente, selon la force de leur tempérament ; leur agonie commençait dès qu’elles y entraient, par le froid, l’humidité, la privation d’air, de clarté et de nourriture. Les infortunés que la colère du tyran faisait jeter du haut de la forteresse, dans le profond précipice nommé la Ravine du Grand-Boucan, étaient certainement plus heureux, si l’on peut s’exprimer ainsi, de mourir immédiatement[2].

La citadelle, construite sur la chaîne de la montagne nommée le Bonnet-à-l’Evêque, d’une élévation de plusieurs centaines de toises au-dessus du niveau de la mer, et faisant partie de l’ancienne habitation Laferrière, donne par elle seule une idée du caractère de Henry Christophe : il en fit un monument de sa vanité, de son orgueil, de son despotisme et de sa cruauté inexorable. Commencée dès les premiers mois de 1804, elle n’était

  1. Cette période est écrite d’après le journal la Concorde, du 3 juin 1821, N° 4.

    Le palais de San-Souci fut construit sur la pente d’une colline de l’habitation Milot, ancienne sucrerie. Le site en fut bien choisi, car on y jouissait d’une belle vue, de même que son aspect avait quelque chose d’imposant quand on y venait de la plaine. Bâti sans plan primitif et agrandi successivement, son architecture était irrégulière ; il y avait un rez-de-chaussée, un étage et un belvédère d’où l’on découvrait au loin. Sur sa droite, était la salle du trône où Christophe tenait son grand conseil, et au-dessous, plus bas, était l’église en rotonde. Sur la gauche se trouvait la terrasse du Caymittier ; puis, des logemens pour les secrétaires et d’autres officiers, et des remises pour les nombreuses voitures de la cour. Derrière le palais étaient un jardin et un parterre où des fleurs et des légumes étaient cultivés avec soin ; l’eau d’une source de la montagne y tombait en cascades pour alimenter des bassins et des fontaines. Plus loin se trouvaient l’arsenal, les casernes de l’artillerie, de l’infanterie et de la cavalerie, l’imprimerie, l’hôtel des monnaies, etc. Toutes ces constructions étaient en maçonnerie et couvertes en ardoises ou en tuiles : le tremblement de terre de 1842 les a démolies en partie.

  2. Souverain Brun, frère de Boyer, y fut précipité. Quand, du haut de la citadelle, on jette les yeux dans ce gouffre, on se sent disposé au vertige.