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Page:Ardouin - Étude sur l’histoire d’Haïti, tome 8.djvu/67

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leurs jeunes filles : aucune de ces dernières ne voulut plus consentir à être livrée ainsi, aux Etrangers surtout ; les mères craignirent les sanglans reproches du public. Car Dupré, notre poète national et comédien en même temps, qui avait réinstallé la salle de spectacle du Port-au-Prince, eut l’heureuse idée de composer une comédie dont le sujet fut pris sur l’affaire que nous venons de relater ; il l’intitula : Odéide, ou la Honte d’une mère.

Dans cette pièce, qui fut jouée par lui et des amateurs, il répandit le ridicule et le sarcasme sur les mères qui ne rougissaient pas de conclure des affaires semblables à celle dont il s’agit, et sur les étrangers qui les recherchaient. Mais en habile auteur qui veut atteindre son but moral, il s’attacha à relever le caractère d’Odéide, son héroïne, par la préférence qu’elle donna à un jeune officier haïtien qui la demandait en mariage, et qui réussit à l’épouser. Dupré fit exprimer par la jeune fille, que sa mère voulait sacrifier, les plus beaux, les plus nobles sentimens, et les raisonnemens les plus judicieux en faveur du mariage légitime. Le succès de sa pièce fut complet ; le public la redemanda bien souvent, et chaque fois le théâtre était comble : on y remarquait surtout les jeunes personnes qui venaient applaudir aux paroles sensées prononcées par Odéide.

D’après ces dispositions, nous croyons, contrairement à la pensée de Pétion, exprimée au sénat dans son message du 28 avril 1813, que « si tout tendait à propager le mariage comme une vertu sociale, » par la législation, par l’exemple du chef et des hauts fonctionnaires de l’Etat, cette institution civile et religieuse eût jeté de profondes racines dans le pays, malgré l’absence du concours si utile de bons prêtres pour la recommander aux citoyens,