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Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/145

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penser favorablement pour lui. Voilà, monsieur, continua Sylvie, quels ont été mes premiers malheurs ; j’ignore quels seront ceux que votre amour me prépare. Dieu veuille qu’ils ne soient pas plus sensibles et plus grands ! »

Cette histoire avait fait naître dans mon esprit mille idées différentes ; je m’arrêtai à la dernière, et je résolus de l’exécuter : elle était d’autant plus surprenante, qu’elle était éloignée de mon caractère. Ce fut de l’épouser et de réparer par-là toute la bizarrerie de sa fortune. Cette pensée m’était venue dès que j’eus quitté Sylvie, et mon amour me fournissait mille raisons pour la justifier à mes yeux : je me disais à moi-même que la distinction du rang n’était qu’un préjugé ridicule, et que la seule vertu faisait le mérite. Je joignais à cela l’exemple de bien des gens d’une condition plus élevée que la mienne, que de pareils engagemens n’avaient point deshonorés.

Ma résolution prise, je fis une promesse de mariage avec un dédit de dix mille écus ; je fus le lendemain chez elle. Vos malheurs, lui dis-je, m’ont occupé entièrement depuis que je vous ai quittée ; j’ai pensé comment on