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Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/147

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par complaisance. Cependant le temps agissait pour moi ; l’amour mena peu à peu Sylvie au point de souhaiter que je pusse effectuer ce que je lui avais promis : je lui jurai de nouveau que, dès que l’occasion s’en présenterait, elle pouvait être assurée que je lui tiendrais parole. J’allais chez elle tous les soirs, lorsque sa mère était couchée ; nous passions une partie de la nuit ensemble ; la fin de tous ces rendez-vous ne pouvait que m’être heureuse. En effet, Sylvie se fia sur ma constance et m’accorda les dernières faveurs ; elles ne firent qu’augmenter mon amour. Pour être plus libres, nous changeâmes le lieu où nous nous voyions : l’appartement de sa mère communiquait à la salle de la comédie ; c’était où je passais une partie des nuits avec elle. Il m’arriva dans ce temps-là une plaisante aventure.

Un orage des plus violens étant survenu, Sylvie craignit que le tonnerre ne vint à réveiller sa mère, et elle me pria de me retirer. Je n’avais point de manteau, et il pleuvait à verse. On avait joué la veille Crispin Médecin[1] sa robe était encore dans la

  1. Cette pièce est de Hauteroche ; elle fut donnée pour la première fois au théâtre français, en 1673.