Aller au contenu

Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le jeu ; je suis venu voir si on n’aurait point laissé quelque chandelle qui pût mettre le feu. Voyons votre loge, dit sa mère ; elle y entra. J’avais malheureusement oublié mon épée sur le théâtre. Une épée ici, dit-elle ! et avec qui étiez-vous donc ? Elle vit bien qu’on ne pouvait s’être retiré que sous le théâtre. Elle y vint avec de la lumière, et il me fut impossible de me cacher davantage. Dès qu’elle m’aperçut, elle me dit : Ah, monsieur le marquis, c’est vous ! Que vous a fait ma fille, pour la perdre d’honneur et de réputation ? J’étais trop étonné pour pouvoir répondre ; je remontai sur le théâtre. Quelle fut ma surprise de trouver Sylvie évanouie et sans sentiment ! Je voulus la secourir ; sa mère me prévint et lui donna de l’eau des Carmes ; elle revint peu à peu. Sa mère se contraignit assez pour me dire poliment qu’elle me priait de sortir et de faire en sorte que personne ne me vit. Sylvie était si saisie, qu’elle n’eut pas la force de me dire un seul mot. Nos regards seuls nous apprirent mutuellement la situation de nos cœurs.

Ceux qui ne connaissent le monde que médiocrement, seront étonnés des sentimens que je donne à deux comédiennes. Le théâtre