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Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/199

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Nous aurions bien pu lui parler, car nos terrasses se touchant, et celle où nous étions étant beaucoup plus haute que la sienne, on ne pouvait pas la découvrir ; mais nous craignions qu’on ne nous entendit et qu’il ne nous arrivât quelqu’une de ces avanies, qui sont assez communes dans ce pays-là.

Cependant l’occasion ne me paraissait point aussi périlleuse que Clairac et l’abbé de Biron le pensaient ; je leur dis que j’étais résolu de sauter dans la terrasse de la belle Turque. Êtes-vous fou, me dit l’abbé de Biron ? ou bien êtes-vous las de vivre ? Non, dit Clérac, qui crut que je plaisantais ; il veut trouver un honnête prétexte pour se faire turc. Il en sera tout ce que vous voudrez, lui dis-je, mais je vais descendre dans le moment. L’abbé de Biron et Clairac, voyant que je parlais sérieusement, firent ce qu’ils purent pour me dissuader, et ils n’avancèrent rien. Soit, dit Clairac ; laissons-le donc seul, c’est son affaire, je le répète. Il n’y avait pourtant pas autant de risque qu’ils se le figuraient. D’abord que j’étais dans la terrasse, je ne pouvais plus être vû, parce qu’elle était entourée de hautes murailles, et que les autres maisons, excepté celle du consul, étaient plus