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Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/229

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le fils de Mehemet Effendi, tefterdar[1], qui avait été ambassadeur à Paris, il nous avoua sincèrement que, s’il pouvait avoir son bien en France, il y passerait avec plaisir. Et la religion, lui dis-je ? Bon, bon, me répondit-il, les honnêtes gens sont de toutes les religions.

Dans ces repas où on buvait copieusement, il n’était jamais question des femmes, ou tout au plus c’était des femmes françaises. C’est une impolitesse extrême que de parler à un homme de son sérail et de ses femmes. Leur jalousie va jusque-là.

Aux sentimens philosophiques que je puisai chez les Turcs, le hasard joignit la connaissance d’un médecin juif, nommé Fonseca ; il avait long-temps dit la messe en Espagne, où il était prêtre et judaïsait en secret. L’inquisition en ayant appris quelque chose, on alla chez lui pour le saisir ; heureusement on ne trouva qu’un de ses frères. Ayant appris que le saint-office était dans sa maison, il sortit de la ville et se sauva en France et de là à Constantinople, où il retourna publiquement au judaïsme.

Je ne pouvais approuver qu’étant juif, il

  1. Tefterdar ou Teftestar, c’est le grand-trésorier de l’Empire Turc.