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Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/236

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encore réellement ; mais je fus étonné de voir que j’étais dans le même cas que le chevalier de Clairac avec la Varin. Janette, c’est son nom, avait en secret pour amant le fils d’un fermier de mon père : c’était lui qui était l’heureux, et j’étais celui qui fournissait à la dépense.

Je résolus de ne plus m’attacher qu’à des femmes de condition : je me flattais de trouver chez elles ce que je n’avais point rencontré ailleurs ; je fus bientôt désabusé. Une demoiselle à qui je m’attachai, et qui pouvait me convenir pour un établissement solide, ne dédaigna point les vœux que je lui offrais. Je crus qu’elle ne serait point fâchée que je la fisse demander à ses parens. J’avais déjà fait agir auprès des miens, lorsque je m’aperçus que j’avais un rival et un rival aimé.

Piqué du peu de fidélité des femmes et rebuté de leur caractère, je résolus de m’appliquer entièrement à l’étude, et je commençai à paraître au barreau avec applaudissement. La première cause que je plaidai fut assez particulière. Un pâtissier de Paris nommé d’Origny s’était établi à Marseille ; il excellait dans son métier, mais il avait bien d’autres talens : la nature l’avait infiniment avantagé par des