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Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/279

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amour. Elle m’en fit d’abord des reproches assez tendres ; mais, voyant qu’ils ne servaient à rien, et que je n’allais presque plus chez elle, elle résolut d’en agir à la mode du pays, et de me faire assassiner. Je me promenais ordinairement à onze heures du soir sur le mont de la Trinité : c’est une promenade auprès de la place d’Espagne. Je ne me retirais d’ordinaire que fort tard ; Ninesina savait ma coutume ; j’avais souvent été prendre le frais avec elle. Un soir, deux hommes fondirent sur moi le poignard à la main ; l’un des deux dit : amato il traditore Francese[1] ! Je n’eus que le temps de mettre l’épée à la main, et de m’appuyer contre la porte de la Vigne Médicis, vis-à-vis de laquelle j’étais. Comme les deux hommes qui m’avaient attaqué n’avaient que des poignards, je n’avais pas de peine à les éloigner avec mon épée ; je sentais même qu’ils m’attaquaient assez faiblement. Cependant, je n’osais point quitter le poste où j’étais, dans la crainte, si je l’abandonnais, que l’un des deux ne m’attaquât par derrière.

Lorsque j’étais dans cet embarras, je vis

  1. Il est aimé le traître de Français !