Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/284

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avec assez de sang froid, se figuraient que j’étais un saint, à qui la tranquillité de sa conscience procurait ce repos.

Après dix heures de combat entre la vie et la mort, nous découvrîmes le port de Livourne, et, deux heures après, nous y entrâmes heureusement. Je n’avais fait vœu à aucun saint pendant la tempête ; mais je m’étais bien promis à moi-même de ne plus me rembarquer ; je ne gardai pas ma résolution, car je partis le lendemain pour Gènes, où je restai deux jours, et de là j’allai à Marseille.

Mon frère était de garde à l’entrée du port lorsque j’arrivai ; il fut agréablement surpris ; il pria un de ses amis de vouloir le relever de son poste ; il me conduisit chez lui, où je ne restai que le temps qu’il fallait pour m’habiller, et, n’ayant rien à faire, j’allai à l’Opéra voir mes anciennes connaissances. La Motille n’y était plus ; elle avait quitté depuis mon départ ; mais je ne restai pas long-temps oisif.

Il y avait à Marseille une jeune fille nommée Chichote, dont le comte de Vintimille était amoureux ; cette intrigue le dérangeait, et sa famille s’était plainte plusieurs fois. Pour l’obliger à l’abandonner, on fit faire une procédure contre elle, où l’on entendit des