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Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/288

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des catéchismes, des exhortations et des sermons ; il excellait dans le talent de la chaire ; il avait dirigé un nombre infini de femmes du monde qu’il avait mises dans le chemin de la pénitence. Plusieurs filles, qui avaient fait des vœux monastiques sous sa direction, sont encore aujourd’hui l’exemple des couvens où elles vivent ; il exerçait ses talens avec un air de complaisance ; il était bien aise qu’on les connût, et, s’il avait l’esprit d’un habile jésuite, il en avait la vanité. La réputation de faire des saintes lui était aussi chère, que l’envie de passer pour telle était violente chez la Cadière.

On voit que, sans que l’amour et le sortilége s’en mêlassent, la ressemblance des caractères suffisait pour unir ces deux personnes. Avant l’arrivée du père Girard à Toulon, la Cadière avait déjà, par ses manières modestes, acquis la réputation d’avoir une vertu infinie ; elle ne parlait que d’exhortations, de méditations, de componction, d’oraison : l’idée qu’on en avait n’était point renfermée dans une seule ville ; toute la gent mystique de la province en était imbue, et le père Girard la connaissait déjà sans l’avoir vue. La réputation du jésuite était aussi parvenue jusqu’à la