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Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/34

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d’avancer dans la Prusse, : et de l’autre les Français de venir en Allemagne : il se trompa dans ces deux idées ; mais il en avait une troisième dans laquelle il ne se trompa pas : ce fut d’envahir la Saxe, et de faire la guerre à l’impératrice reine de Hongrie, avec l’argent qu’il pilla chez les Saxons. Le marquis de Brandebourg (le roi de Prusse), par cette manœuvre singulière, fit seul changer tout le système de l’Europe. Le roi de France, voulant le retenir dans son alliance, lui avait envoyé le duc de Nivernois, homme d’esprit, et qui faisait de très-jolis vers. L’ambassade d’un duc et pair et d’un poète semblait devoir flatter la vanité et le goût de Frédéric ; il se moqua du roi de France, et signa son traité avec l’Angleterre, le jour même que

    Jouet de la Pompadour,
    flétri, par plus d’une marque,
    Des opprobres de l’amour ;
    Lui qui détestant les peines,
    Au hasard remet les rênes
    De son empire aux abois ;
    Cet esclave parle en maître,
    Ce Céladon, sous un hêtre,
    Croit dicter le sort des rois !

    Il écrirait cela après les victoires qui ont couronné ses armes dans les dernières années de la guerre de sept ans.