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Page:Argens - Mémoires du marquis d’Argens.djvu/396

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Quelque génie qu’ait un auteur, il ne peut jamais vaincre entièrement les préjugés de l’éducation. Tout homme qui connaîtra les mœurs des peuples, distinguera de quelle nation est un auteur, dans quelque langue qu’il ait écrit. Je n’ai jamais lu de livres anglais, où il n’y ait quelque chose contre les français ; d’italiens où il ne se trouve d’idées folles ; d’espagnol qui ne soient farcis de miracles, et de français où l’auteur ne se loue dans sa préface.

La dévotion des écrivains espagnols s’étend jusqu’à leur théâtre. La Vierge, les apôtres, saint Jérôme, saint Chrysostome, les mystères les plus augustes de la religion, sont le sujet de plusieurs de leurs comédies. Ce n’est pas que le bien des poètes, et entre autres don Lope de Vega, excellent comique, n’ait fait des pièces profanes ; mais elles ne plaisent qu’aux grands et à quelques gens de bon goût. Le peuple aime mieux voir deux Saints sur le théâtre qu’Achille et Agamemnon.

Tout homme en Espagne qui sait lire et signer son nom, prend grand soin d’orner son nez d’une paire de lunettes fort amples, dût-il voir beaucoup moins que s’il n’en por-