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Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/173

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dans leur actualité, mais encore quelques autres non agréables alors, pour peu qu’une conséquence belle ou bonne dût en résulter plus tard. De là cette pensée :

Il est agréable, une fois sauvé, de se rappeler les épreuves passées[1] ;
et cette autre :
Après la souffrance, il est doux de se souvenir pour l’homme qui a éprouvé beaucoup de fatigues et d’épreuves[2].

Cela tient à ce qu’il est agréable aussi de ne plus avoir de mal.

IX. Les choses qui sont en espérance sont agréables lorsque, dans le moment actuel, elles nous paraissent devoir nous procurer une grande joie ou un grand profit ou nous profiter sans peine ; ce sont, en général, toutes celles qui réjouissent le plus souvent, soit au moment où elles ont lieu, soit quand on les espère, soit encore lorsqu’on s’en souvient. C’est ainsi que l’indignation a quelque chose d’agréable. Aussi Homère a-t-il pu dire, en parlant de la colère :

Plus agréable que le miel qui coule avec limpidité[3].

En effet, on n’agit jamais avec colère contre une personne sur qui l’on ne peut exercer sa vengeance, ni contre ceux qui peuvent nous être supérieurs ; dans ce cas, ou bien on n’agit pas avec colère, ou bien on le fait d’une manière moins énergique.

X. La plupart des désirs passionnés ont pour conséquence un plaisir ; car c’est tantôt le souvenir du

  1. Euripide, fragment d’Andromède. Cp Virgile, Énéide, 1, 203.
  2. Hom., Od., XV, 400. Voir, pour les variantes, l’édition Al. Pierron.
  3. Hom., Il., XVIII, 107. Cp. plus bas, l. II, chap. II.