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Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/220

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CHAPITRE IV


Quelles sortes de personnes on aime et l’on hait. Pour quels motifs.


I. Quels sont les gens qu’on aime et que l’on hait ; quels sont nos motifs pour avoir ces sentiments ; nous avons à l’expliquer, après avoir défini l’amitié et ce que c’est qu’aimer.

II. « Aimer », ce sera vouloir pour quelqu’un ce qu’on croit lui être un bien, eu égard à son intérêt et non au nôtre, et le fait de se rendre capable en puissance de réaliser ce bien. Un ami, c’est celui qui a de l’affection et qui reçoit de l’affection en retour. On pense être des amis quand on suppose avoir ces dispositions les uns pour les autres.

III. Cela posé, il en résulte nécessairement qu’un ami est celui qui prend sa part de joie dans ce qui nous est bon et sa part de chagrin dans ce qui nous afflige, non pas en vue de quelque autre intérêt [1], mais eu égard à la personne aimée. En effet, toujours on se réjouit de l’accomplissement de son désir, et l’on s’afflige d’un résultat contraire. Si bien que les peines et les plaisirs sont des signes de notre volonté.

IV. Il y a encore amitié entre ceux pour qui les biens et les maux sont communs, et qui ont les mêmes amis et les mêmes ennemis : car il s’ensuit, nécessairement, qu’ils sont dans les mêmes intentions à leur égard ; de sorte que celui qui souhaite à un

  1. Avec quelque arrière-pensée.