Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/231

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surance si l’on croit avoir réussi en beaucoup d’affaires et n’avoir pas été éprouvé ; ou bien si l’on a souvent affronté le danger et qu’on y ait échappé ; car il y a deux manières, pour l’homme, d’être inaccessible à la passion[1] : tantôt c’est qu’il n’a pas traversé d’épreuves, tantôt qu’il a eu le moyen de s’en tirer. C’est ainsi que, dans les dangers de la vie maritime, une même confiance dans l’avenir anime ceux qui n’ont pas l’expérience de la tempête et ceux qui puisent les moyens de salut dans cette expérience.

XIX. De même lorsque le fait en question ne donne de crainte ni à nos pareils, ni à nos inférieurs, ni aux personnes sur lesquelles nous croyons avoir un avantage ; or on croit avoir un avantage sur quelqu’un lorsqu’on l’a emporté sur lui, ou sur des gens plus forts que lui, ou sur ceux de sa force.

XX. De même encore si l’on croit posséder en plus grand nombre, ou dans une plus grande proportion, les biens dont la jouissance plus complète nous rend redoutables. Telle, par exemple, la supériorité de nos finances, de nos corps de troupes, de nos amis, de notre pays et de notre organisation militaire, à tous les points de vue et même aux points de vue principaux. De même, si l’on n’a causé de préjudice à personne, ou que ce soit seulement à un petit nombre de gens, ou à des gens qui ne sont pas en position de nous faire peur.

XXI. Enfin, d’une manière générale, si les desseins des dieux tournent à notre avantage, ou ceux de toutes sortes, ou ceux dont la manifestation nous arrive par les présages et les oracles. En effet, il y a de l’assurance dans le sentiment de la colère ; ce n’est pas le fait de commettre une injustice, mais celui d’en subir une

  1. À la crainte, dans le cas présent.