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Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/236

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bruits dans le monde ; car il n’y a point de différence entre n’avoir pas d’opinion sur un fait, et ne pas le divulguer. Or ceux qui sont portés à divulguer nos actes, ce sont les gens que nous avons lésés, attendu qu’ils sont toujours à l’affût ; les médisants, car ils sont prêts à dénoncer ceux qui ne sont pas en faute et, à plus forte raison, ceux qui y sont ; les gens dont la vie se passe à voir les fautes du prochain, ce qui est le cas des moqueurs et des auteurs comiques ; car ce sont autant de gens médisants et enclins au commérage. De même encore devant ceux auprès desquels nos démarches n’ont jamais manqué de réussir ; car on est dans la disposition de gens qui se sentent admirés. Voilà pourquoi on a honte devant les personnes qui viennent demander un premier service, n’ayant jamais eu, jusqu’alors, à risquer sa considération en leur présence.

C’est dans ce cas que se trouvent ceux qui depuis peu, veulent être nos amis, car ils ont arrêté leur vue sur nos plus beaux côtés. C’est ce que fait ressortir la belle réponse d’Euripide aux Syracusains [1]. Tel est aussi le cas de nos relations anciennes quand elles n’ont donné lieu à aucune mauvaise action de notre part.

XXI. On est pris de honte non seulement au sujet des choses que nous avons qualifiées de honteuses, mais encore à la vue de ce qui en est le signe ; par exemple, non seulement en nous livrant aux plaisirs

  1. Ruhnken (Hist. crit. orat. gr., t. VIII ; orat., Reiske, p. 150) propose de lire Hypéride au lieu de Euripide, ce qui est assez plausible. Voici la substance de cette réponse qui nous est rapportée par le scoliaste : Les Syracusains déclinant une demande que leur adressaient les Athéniens : « Vous auriez dû, leur dit l’ambassadeur d’Athènes, être amenés à plus d’égards pour nous, qui vous tenions en grande considération, n’y eût-il d’autre motif, au moins, en raison de ce que nous ne faisions que commencer à vous adresser une demande.»