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Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/326

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chant) attendu que les deux mots signifient un son : mais la métaphore est mauvaise, étant empruntée à des sons non mélodieux.

XII. En outre, il ne faut pas tirer de loin les métaphores, mais les emprunter à des objets de la même famille et de la même espèce, de façon que, si les choses ne sont pas nommées, on leur donne l’appellation qui se rattache manifestement au même ordre d’idées. Exemple, cette énigme bien connue[1]

J’ai vu un homme qui, avec du feu, collait de l’airain sur la peau d’un autre homme.

L’action subie n’est pas nommée, mais dans les termes il y a une idée d’application. L’auteur a donc appelé « collage » l’application de la ventouse[2]. Au surplus, il faut, absolument parlant, emprunter des métaphores modérées à des allusions convenablement énigmatiques ; car les métaphores sont des allusions, et c’est à quoi l’on reconnaît que la métaphore a été bien choisie.

XIII. Il faut aussi les emprunter à de belles expressions : or la beauté d’un mot, comme le dit Lycimnius[3] réside ou dans les sons, ou dans la signification ; la laideur d’un mot pareillement. En troisième lieu, il y a ce qui renverse un raisonnement sophistique ; car il ne faut pas dire, comme Bryson[4], qu’une parole ne sera jamais déplacée si la signification est la même, soit que l’on emploie telle expression ou telle autre.

  1. Composée par Cléobule ou par Eumétis (Plut., Banquet des sept Sages, ch. X). Cp. Poét., ch. XXII.
  2. Les ventouses auxquelles fait allusion cette énigme étaient des cloches en airain.
  3. Rhéteur, ami de Gorgias.
  4. Mentionné aussi dans les Secondes Analytiques, I. 9. et dans les Sophist. elench., chap. XI.