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Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/331

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V. Voici des exemples pris dans Gorgias : « Les choses pâles et ensanglantées. » — « mais toi, c’est à ta honte que tu as semé cela, et ta moisson a été criminelle. » Toutes ces expressions sentent trop la poésie. C’est comme dans Alcidamas : « La philosophie, rempart des lois. » — « L’Odyssée, miroir fidèle de la vie humaine, » — « n’offrant aucun agrément aussi grand à la poésie ». En effet, toutes ces expressions sont inefficaces pour amener la conviction, par les motifs donnés précédemment. Le mot de Gorgias, sur une hirondelle qui, en volant, laissa tomber sa fiente sur lui, serait tout à fait digne d’un poète tragique : « C’est vraiment honteux, ô Philomèle ! » Pour un oiseau, un tel acte n’était pas honteux ; il le serait de la part d’une jeune fille, Le reproche, par conséquent, eût été bien placé s’il se fût adressé à ce qu’elle a été, mais il ne l’est pas, s’adressant à ce qu’elle est maintenant[1].


CHAPITRE IV


Sur l’image.


I. L’image est aussi une métaphore, car il y a peu de différence entre elles. Ainsi, lorsque (Homère) dit en parlant d’Achille : « Il s’élança comme un lion[2], » il y a image ; lorsqu’il a dit : « Ce lion s’élança, » il y a métaphore. L’homme et l’animal étant tous deux

  1. Après sa métamorphose. Sur Philomèle — hirondelle et Procné — rossignol, voir P. Decharme, Mythologie de la Grèce antique, p. 528.
  2. Cette citation ne se retrouve pas textuellement dans Homère. Cp. Iliade, xx, 164. L’exemple choisi par Aristote a été repris par Quitilien, Instit. orat., VIII, 6, 9.