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Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/356

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dire que l’homme de bien est un carré, c’est faire une métaphore, car les deux termes renferment une idée de perfection[1], mais ils n’indiquent pas une action ; au lieu que, dans l’expression : « Ayant la force de l’âge pleinement florissante[2] » il y a une idée d’action. Dans cette autre : « Mais toi, en qualité d’homme libéré, il te convient…[3] » il y a une action. Dans celle-ci : « Alors les Grecs s’étant élancés de là…[4], » il y a action et métaphore. C’est ainsi qu’Homère, en beaucoup d’endroits, anime des êtres inanimés au moyen de la métaphore.

III. En toute occasion, le fait de mettre en jeu une action produit une impression goûtée de l’auditeur. En voici des exemples :

Et, de nouveau, le rocher sans honte roulait dans la plaine[5].


La flèche prit son vol[6].
Brûlant de s’envoler[7].
(Les traits) restaient immobiles sur le sol désireux de se repaître de chair[8].

La lance traverse sa poitrine avec rage[9].

En effet, dans tous ces passages, les objets, par cela même qu’ils sont animés, apparaissent comme agissant. Les expressions « être sans honte », « avec rage », etc., indiquent une action ; le poète les a placées au moyen

  1. Le carré est une figure parfaite, limitée dans toutes ses parties.
  2. Isocrate, Discours sur Philippe, § 10.
  3. Ibid., § 127.
  4. Euripide, Iphigénie en Aulide, v, 80, où il y a ἁἲςαντες δόρυ ayant brandi leur lance.
  5. Cp. Homère, Odyssée, XI, 598.
  6. Homère, Iliade, XIII, 587.
  7. Iliade, IV, 136.
  8. Iliade, XI, 574.
  9. Iliade, XV, 541.