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Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/50

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quelques autres, il n’y en a pas un seul de connu, par exemple dans la Fleur, d’Agathon[1] ; car, faits et noms, tout y est imaginaire, ce qui n’empêche pas que cette pièce fait plaisir.

VIII. Ainsi donc il ne faut pas affecter de s’en tenir de tout point aux fables traditionnelles sur lesquelles il existe déjà des tragédies. Cette affectation serait ridicule, car les sujets connus ne le sont que d’un petit nombre et, cependant, font plaisir à tout le monde.

IX. Il est évident, d’après cela, que le poète doit être nécessairement un faiseur de fables plutôt qu’un faiseur de vers, d’autant qu’il est poète par l’imitation : or il imite des actions ; donc, lors même qu’il lui arrive de composer sur des faits qui sont arrivés, il n’en sera pas moins un poète, car rien n’empêche que quelques-uns des faits arrivés soient de telle nature qu’il serait vraisemblable qu’ils fussent arrivés ou possible qu’ils arrivent, et, dans de telles conditions, le poète est bien le créateur de ces faits[2].

X. Parmi les fables et les actions simples, les plus mauvaises sont les épisodiques[3] ; or j’entends par « fable épisodique » celle où la succession des épisodes ne serait conforme ni à la vraisemblance, ni à la nécessité. Des actions de cette nature sont conçues par les mauvais poètes en raison de leur propre goût, et, par les bons, pour condescendre à celui des acteurs. En effet, composant des pièces destinées aux concours, développant le sujet au delà de l’étendue possible, ils sont forcés de rompre la suite de l’action.

XI. Mais comme l’imitation, dans la tragédie, ne

  1. On ne sait rien de plus sur cette tragédie.
  2. Voir une remarque importante de M. Thurot sur cette phrase. (Revue critique, février 1875, p. 131.)
  3. G. Hermann, d’après Castelvetro, transporte tout ce paragraphe dans le chapitre suivant, après : ἡ μετάϐασις γίγνεται.