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Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/78

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De l’espèce à l’espèce, par exemple :

Ayant arraché la vie par l’airain[1] ;

et :

Ayant tranché avec le dur airain[2].

En effet, dans ces exemples, d’abord dans le sens de « trancher », le poète a dit « arracher », puis dans le sens d’ « arracher » il a dit « trancher » ; car l’un et l’autre terme signifient ôter.

VIII. Je dis qu’il y a analogie (ou proportion) lorsque le second nom est au premier comme le quatrième est au troisième ; car on dira le quatrième à la place du second et le second à la place du quatrième ; quelquefois aussi l’on ajoute, à la place de ce dont on parle, ce à quoi cela se rapporte[3]. Citons un exemple : La coupe est à Bacchus ce que le bouclier est à Mars. On dira donc et « le bouclier, coupe de Mars », et « la coupe, bouclier de Bacchus[4] ». Autre exemple : Ce que le soir est au jour, la vieillesse l’est à la vie. On dira donc : « le soir, vieillesse du jour, » et « la vieillesse, soir de la vie ; » ou, comme Empédocle : « couchant de la vie. »

IX. Pour quelques noms, il n’existe pas d’analogue établi ; néanmoins on parlera par analogie. Ainsi, laisser tomber le grain[5], c’est le semer ; mais, pour dire laisser tomber la lumière du soleil, il n’y a pas de terme (propre). Or cette idée, par rapport au soleil,

  1. Vers de source inconnue.
  2. Cp. Homère (Iliade, III, 292). Le mot εἴρηκε qui va suivre, ferait croire que les deux citations sont du même poète, Homère.
  3. Cp. Ch. Thurot (Observations philol. sur la Poétique d’Aristote (Revue archéologique, 1863, II), où ce passage a été interprété, pour la première fois, d’une façon plausible).
  4. Cp. Rhétorique, III, 4 et 11.
  5. Littéralement : « le fruit. »