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Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/355

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que dans le grand, parce qu’on s’en était assuré par une infinité d’observations : et néanmoins on a trouvé depuis peu que cela est faux, quand l’un des côtés est extrêmement étroit, parce qu’alors l’eau s’y tient plus haute que dans l’autre côté. Tout cela fait voir que les seules inductions ne sauraient nous donner une certitude entière d’aucune vérité, à moins que nous ne fussions assurés qu’elles fussent générales, ce qui est impossible ; et par conséquent nous ne serions que probablement assurés de la vérité de cet axiome : Le tout est plus grand que sa partie, si nous n’en étions assurés que pour avoir vu qu’un homme est plus grand que sa tête, une forêt qu’un arbre, une maison qu’une chambre, le ciel qu’une étoile, puisque nous aurions toujours sujet de douter s’il n’y aurait point quelque autre tout, auquel nous n’aurions pas pris garde, qui ne sera pas plus grand que sa partie.

Ce n’est donc point de ces observations que nous avons faites depuis notre enfance que la certitude de cet axiome dépend, puisqu’au contraire il n’y a rien de plus capable de nous entretenir dans l’erreur que de nous arrêter à ces préjugés de notre enfance ; mais elle dépend uniquement de ce que les idées claires et distinctes que nous avons d’un tout et d’une partie renferment clairement, et que le tout est plus grand que la partie, et que la partie est plus petite que le tout : et tout ce qu’ont pu faire les diverses observations que nous avons faites d’un homme plus grand que sa tête, d’une maison plus grande qu’une chambre, a été de nous servir d’occasion pour faire attention aux idées de tout et de partie ; mais il est absolument faux qu’elles soient cause de la certitude absolue et inébranlable que nous avons de la vérité de cet axiome, comme je crois l’avoir démontré.

Ce que nous avons dit de cet axiome peut se dire de tous les autres, et ainsi je crois que la certitude et l’évidence de la connaissance humaine dans les choses naturelles dépend de ce principe :

Tout ce qui est contenu dans l’idée claire et dis-