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Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/374

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ou de ses mystères. D’où il paraît qu’encore que nous soyons obligés de captiver notre entendement pour obéir à Jésus-Christ, comme dit saint Paul, nous ne le faisons pas néanmoins aveuglément et déraisonnablement, ce qui est l’origine de toutes les fausses religions, mais avec connaissance de cause, et parce que c’est une action raisonnable que de se captiver de la sorte sous l’autorité de Dieu, lorsqu’il nous a donné des preuves suffisantes, comme sont les miracles et autres événements prodigieux, qui nous obligent de croire que c’est lui-même qui a découvert aux hommes les vérités que nous devons croire.

Il est certain, en second lieu, que la foi divine doit avoir plus de force sur notre esprit que notre propre raison ; et cela par la raison même qui nous fait voir qu’il faut toujours préférer ce qui est plus certain à ce qui l’est moins, et qu’il est plus certain que ce que Dieu dit est véritable que ce que notre raison nous persuade, parce que Dieu est plus incapable de nous tromper que notre raison d’être trompée[1].

Néanmoins à considérer les choses exactement, jamais ce que nous voyons évidemment et par la raison ou par le fidèle rapport des sens n’est opposé à ce que la foi divine nous enseigne ; mais ce qui fait que nous le croyons, c’est que nous ne prenons pas garde à quoi doit se terminer l’évidence de notre raison et de nos sens. Par exemple, nos sens nous montrent clairement dans l’Eucharistie de la rondeur et de la blancheur ; mais nos sens ne nous apprennent point si c’est la substance du pain qui fait que nos yeux y aperçoivent de la rondeur et de la blancheur : et ainsi la foi n’est point contraire à l’évidence de nos sens lorsqu’elle nous dit que ce n’est point la substance du pain qui n’y est plus, ayant été changée au corps de Jésus-Christ par le mystère de la transsubstantiation,

  1. Arnauld ne s’aperçoit pas qu’il fait ici un cercle vicieux. « Il est plus certain que ce que Dieu dit est véritable que ce que notre raison nous persuade ; » mais comment savons-nous que Dieu a dit telle ou telle chose, sinon par la raison ? Les témoins qui le rapportent sont des hommes et parlent à des hommes.