Aller au contenu

Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/404

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

périmentales et rationnelles sur les lois de cette nature ; hors de là, il ne sait et ne peut plus rien.

Ni la main seule, ni l’esprit abandonné à lui-même, n’ont grande puissance ; pour accomplir l’œuvre, il faut des instruments et des secours dont l’esprit a tout autant besoin que la main. De même que les instruments physiques accélèrent et règlent le mouvement de la main, les instruments intellectuels facilitent ou disciplinent le cours de l’esprit.

La science de l’homme est la mesure de sa puissance, parce qu’ignorer la cause, c’est ne pouvoir produire l’effet. On ne triomphe de la nature qu’en lui obéissant ; et ce qui, dans la spéculation, porte le nom de cause, devient une règle dans la pratique…

Le principe unique et la racine de presque toutes les imperfections des sciences, c’est que, tandis que nous admirons et exaltons faussement les forces de l’esprit humain, nous n’en recherchons point les véritables aides. La nature est bien autrement subtile que nos sens et notre esprit ; aussi toutes nos belles méditations et spéculations, toutes les théories inventées par l’homme sont-elles choses dangereuses, à moins toutefois que personne n’y prenne garde.

De même que les sciences, telles qu’elles sont maintenant, ne peuvent servir aux progrès de l’industrie, la logique que nous avons aujourd’hui ne peut servir au progrès de la science.

La logique en usage est plus propre à consolider et perpétuer les erreurs dont les notions vulgaires sont le fondement, qu’à découvrir la vérité : aussi est-elle plus dangereuse qu’utile.

On ne demande point au syllogisme les principes de la science ; on lui demande vainement les lois intermédiaires, parce qu’il est incapable de saisir la nature dans sa subtilité ; il lie l’esprit, mais non les choses.

Le syllogisme se compose de propositions, les propositions de termes ; les termes n’ont d’autre valeur que celles des notions. C’est pourquoi, si les notions (ce qui est le point fondamental), sont confuses et dues à une abstraction précipitée, il n’est rien de solide dans ce qu’on édifie sur elles ; nous n’avons donc plus d’espoir que dans une légitime induction

Il n’y a et ne peut y avoir que deux voies pour la recherche et la découverte de la vérité : l’une qui, partant de l’ex-