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Page:Arnauld et Nicole - Logique de Port-Royal, Belin, 1878.djvu/81

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On les appelle différences, quand l’objet de ces idées est un attribut essentiel qui distingue une espèce d’une autre, comme étendu, pesant, raisonnable.

On les appelle propres, quand leur objet est un attribut qui appartient en effet à l’essence de la chose, mais qui n’est pas le premier que l’on considère dans cette essence, mais seulement une dépendance de ce premier, comme divisible, immortel, docile.

Et on les appelle accidents communs, quand leur objet est un vrai mode qui peut être séparé, au moins par l’esprit, de la chose dont il est dit accident, sans que l’idée de cette chose soit détruite dans notre esprit, comme rond, dur, juste, prudent. C’est ce qu’il faut expliquer plus particulièrement.

De la différence.

Lorsqu’un genre a deux espèces, il faut nécessairement que l’idée de chaque espèce comprenne quelque chose qui ne soit pas compris dans l’idée du genre ; autrement, si chacune ne comprenait que ce qui est compris dans le genre, ce ne serait que le genre ; et, comme le genre convient à chaque espèce, chaque espèce conviendrait à l’autre. Ainsi le premier attribut essentiel que comprend chaque espèce de plus que le genre s’appelle sa différence ; et l’idée que nous en avons est une idée universelle, parce qu’une seule et même idée peut nous représenter cette différence partout où elle se trouve, c’est-à-dire dans tous les inférieurs de l’espèce.

Exemple. Le corps et l’esprit sont les deux espèces de la substance. Il faut donc qu’il y ait dans l’idée du corps quelque chose de plus que dans celle de la substance, et de même dans celle de l’esprit. Or, la première chose que nous voyons de plus dans le corps, c’est l’étendue ; et la première chose que nous voyons de plus dans l’esprit, c’est la pensée. Et ainsi la différence du corps sera l’étendue, et la différence de l’esprit sera la pensée, c’est-à-dire que le corps sera une substance étendue, et l’esprit une substance qui pense.

De là on peut voir, 1o que la différence a deux regards : l’un au genre qu’elle divise et partage ; l’autre à l’espèce qu’elle constitue et qu’elle forme, faisant la principale partie de ce qui est enfermé dans l’idée de l’espèce selon sa compréhension : d’où vient que toute espèce peut être exprimée par un seul nom, comme esprit, corps ; ou par deux mots, savoir, par celui du genre, et par celui de sa différence joints ensemble : ce qu’on appelle définition, comme substance qui pense, substance étendue.

On peut voir en second lieu que, puisque la différence constitue