Aller au contenu

Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v3.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

enfants, un garçon de cinq ans, une fille qui commençait à marcher, parisien pur sang de père en fils, abandonné dès le bas-âge à ses seules ressources, il était pâle et frêle comme tout bon parisien, et atteint, je le crois, d’une maladie de poitrine qui minait ses forces. Je n’ai pas vu de meilleur mari, d’homme plus rangé, plus sobre, apportant tout ce qu’il gagnait à sa jeune famille, quoiqu’il fût d’un âge, d’un tempérament, d’un caractère, à aimer le plaisir. Il habitait, dans la même maison que moi, l’étage au-dessus, deux petites mansardes sans air, sans espace, où règnait aussi tout le désordre de l’artiste et de l’ouvrier parisien. J’avais noué avec lui des relations d’amitié.

A l’époque où la Marseillaise luttait contre l’empire, j’avais déjà constaté son zèle et l’ardeur de ses opinions révolutionnaires. Au 18 mars, il entra à la mairie du quatrième arrondissement et prit une part active aux travaux préparatoires des élections. Il devint, pendant la Commune, sous-chef de la légion. Durant ces deux mois, malade et faible comme il l’était, quoique bien pris dans sa taille élégante, il resta vingt-quatre heures par jour à son service, ne voyant sa femme qu’à de rares intervalles, quand elle venait, pour quelques minutes, le trouver à la mairie, passant les nuits sans se déshabiller, sur une mauvaise paillasse jetée dans un coin de son bureau. Toujours debout le premier, au premier signal, toujours en mouvement, surmenant son corps sans pitié, montant à cheval pour conduire les bataillons de l’arrondissement à leur poste de combat, jetant ses forces, mieux que cela, sa, vie, avec une prodigalité inouïe, car je voyais chaque jour sur sa pâle figure les ravages de la fatigue, de la maladie.