Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v3.djvu/67

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vent, malgré tout, un sentiment de pitié, de fraternité, pour ceux qu’ils regardent encore comme des frères égarés, contraints, dominés, abrutis par la discipline. Ils s’imaginent que ces fils du peuple, qui redeviendront peuple demain, gardent sous l’uniforme, sauf de rares exceptions, un vague instinct de la solidarité qui doit unir tous les malheureux, tous les rouages infimes et sacrifiés de l’odieux édifice social, tel que la barbarie et la religion nous l’ont légué. Ils maudissent, ils haïssent les chefs, les officiers. Pour ceux-là pas de pitié, mais pour le reste, troupeau d’esclaves…

Ils ignorent que ces soldats sont des paysans, partis du village ayant au cœur la haine de l’ouvrier des villes, surtout des partageux parisiens.

Ils ignorent que ces hommes, démoralisés systématiquement à la caserne par l’habitude de l’obéissance passive qui avilit, voyant leurs généraux décorés pour les massacres de Décembre et les fusillades d’Aubin ou de la Ricamarie, regardent la guerre civile comme une guerre quelconque pendant laquelle les soldats sont plus choyés et les rations d’eau-de-vie triplées.

Ils ignorent que ces troupes de Bonaparte ne pardonnent pas à Paris l’héroïsme de sa résistance aux Prussiens et la prolongation de la guerre qui a prolongé leurs fatigues, leurs dangers, leur détention dans les forteresses de l’Allemagne victorieuse.

Voilà ce que leur disent leurs officiers, et voilà tout ce que l’abrutissement du troupier, greffé sur l’ignorance du paysan, leur permet de comprendre. Aussi sont-ils furieux, au retour, quand la paix est signée, quand ils croyaient en avoir fini avec les nuits passées sous la tente ou aux tranchées sous une pluie de mitraille, de recom-