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Page:Arnould - Histoire populaire et parlementaire de la Commune de Paris, v3.djvu/81

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arrivaient de plus en plus distinctes jusqu’au centre même de la Cité, et la parabole décrite par les obus venait aboutir plus avant au sein de la capitale, menaçant de la frapper bientôt au cœur.

Cette nuit là, j’étais rentré chez moi sur le tard, et, pour quelques instants, je m’étais jeté tout habillé sur mon lit. Je demeurais à ce moment, rue de Rivoli, à l’angle de la place de la Bastille. Je sommeillais depuis peu de temps, lorsqu’un murmure confus montant de la rue et le bruit des pas d’une troupe nombreuse me réveillèrent en sursaut. Je me jetai à bas du lit, j’ouvris la fenêtre, et je m’élançai sur mon balcon.

Il était entre deux et trois heures du matin. La nuit était admirable, le ciel pur et rempli d’étoiles. En face de moi, au loin, on voyait le bombardement de deux forts, par-dessus la gare du chemin de fer de Vincennes. L’horizon de seconde en seconde s’empourprait de deux ou trois immenses éclairs, puis autant de serpents de feu coupaient le ciel et venaient s’abattre en forme de boule sur deux points différents. Cette pluie de feu indiquait la situation des deux forts. Quelques moments après, la détonation frappait les vitres de ma fenêtre et se répercutait à travers les rues. A droite, en me penchant, je voyais dans la direction des Champs-Elysées, au-delà des Tuileries, un autre horizon, celui-là plus effrayant encore. Là, une épaisse fumée voilait le ciel bleu. Les éclairs se confondaient dans une succession rapide qui enflammait sans relâche l’atmosphère épaissie, et le crépitement sourd, ininterrompu de la mitraille, roulait avec une uniformité terrible, quelquefois coupée par une détonation plus sonore, lorsqu’une de ces pièces à longue