Aller au contenu

Page:Arnould - Quelques poètes, 1907.djvu/53

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
LA MÉTHODE DE CRITIQUE LITTÉRAIRE

réduire un peu de cette idéalisation spontanée, qui n’est, elle-même, qu’une mensongère apparence ? Par exemple, vous ne voyez un penseur, un professeur que dans sa chaire, bien sanglé dans sa redingote et dans son esprit : vous l’admirez de loin. Vous êtes reçu dans son intimité, vous le surprenez en déshabillé et en robe de chambre : peut-être descend-il un peu du trône où vous l’aviez placé, dans cette tendance instinctive que l’homme subit à embellir tout ; mais comme vous le comprenez mieux, lui et ses idées, et même ses idées bien apprêtées pour le public I La critique biographique n’est pas autre chose que la fréquentation de l’écrivain… en robe de chambre.

Mais, ajoute-t-on, c’est le rapetisser et le rabaisser que de l’interviewer, vivant ou mort, sur la naissance de son œuvre, car c’est réduire notablement la portée de celle-ci. D’un fait particulier ou d’une émotion individuelle il a tiré ce qu’ils comportaient d’idée générale ou de sentiment commun à tous les hommes, en laissant tomber exprès tout ce qu’il y avait de particulier dans le point de départ, et vous, critique biographique, vous allez me rappeler ce pauvre et humain point de départ, ruinant ainsi directement l’œuvre de l’artiste ; tandis que lui-même s’était élevé du particulier au général, vous le faites, vous, redescendre, contre son gré, du général au particulier. Pour user d’exemples, j’ai été sincèrement touché par le Lac, de Lamartine, par les Nuits, de