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Page:Asselin - L'œuvre de l'abbé Groulx, 1923.djvu/56

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te avec l’Indien. Catholique intransigeant sur le principe, il est libéral dans la pratique ; il ne brûle pas les femmes pour sorcellerie, comme on le fait à cette époque à Salem, dans ce pays de liberté qui s’appelle le Massachusetts ; il n’envoie pas les gens en prison — comme la chose se voyait encore en 1895 dans le Massachusetts, le Rhode-Island, d’autres états de la Nouvelle-Angleterre, — pour avoir, le dimanche, joué au croquet dans leur cour ou aux cartes dans leur maison, avec leurs femmes et leurs enfants. Il néglige le commerce des esclaves, qui lui est pourtant permis ; s’il lui arrive par hasard d’acquérir un noir ou un panis, il lui rend presque aussitôt la liberté. Le sentiment de l’honneur l’abandonne rarement ; quand, trois quarts de siècle après la conquête, il s’insurgera contre ses maîtres politiques, ce ne sera pas, comme l’Américain en 1775, sous la direction de banqueroutiers et de concussionnaires. Il a du caractère ; il n’est pas la « bouche molle » du père Lalande, la « figure abrutie, bassement vicieuse, niaise, impudente et prétentieuse » de M. Bourassa, le domestique invertébré de M. Lavergne, le type de débraillé et d’à-peu-près analysé par Fournier. Mais surtout — et c’est ce qui émerveille Kalm, lord Elgin, tous les voyageurs qui arrivent ici à travers des pays anglais — c’est un être sociable, un civilisé. Voilà peut-être ce qu’il eût suffi de dire. À notre sens, c’eût été l’essentiel.