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Page:Asselin - Pensée française, pages choisies, 1937.djvu/32

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PENSÉE FRANÇAISE

a plus que partout ailleurs le respect de la liberté individuelle, le bien général est fait souvent du sacrifice des droits de l’individu. Et l’État qui, d’après le père jésuite Castelin, peut fermer la fabrique ou refuser le droit de suffrage à l’illettré — contrainte morale que j’ai trouvée excellente jusqu’à ce que M. Germain Beaulieu eût montré ce qu’il y a d’injuste à punir l’enfant pour la faute des parents, et que vous-même, après mûre réflexion, trouverez plus injuste qu’une contrainte pénale s’exerçant sur le chef de famille, — l’État, dis-je, n’aurait pas le droit de rendre obligatoire la connaissance de la lecture, de l’écriture et des éléments du calcul !

La contrainte est condamnable par l’Église, si l’enseignement est contraire à la doctrine catholique, en d’autres mots, l’État n’a pas le droit de forcer les parents à envoyer leurs enfants à une école qui répugnerait justement à leur conscience. Mais cette contrainte, qui la réclame chez nous ? Même aux États-Unis, où la souveraineté de l’État est admise par la grande majorité des citoyens, tout ce que l’on exige du chef de famille, c’est de prouver que l’enfant apprend, d’un maître quelconque, à lire, à écrire et à calculer d’après les quatre règles simples. Qu’y a-t-il en cela que l’Église condamne ? Et puis, comment pensez-vous qu’il serait possible, dans la catholique province de Québec, de forcer les parents à envoyer leurs enfants à des écoles neutres ?

La contrainte est encore condamnable si elle prive les parents nécessiteux de l’aide de leurs enfants. Aux États-Unis, en pareil cas, on exempte l’enfant de l’école pendant la plus grande partie de l’année ; il y a même quelquefois exemption complète. Qu’est-ce qui nous empêcherait d’appliquer la loi de la même façon ?

Si, comme on l’affirme, tous les parents, chez nous, envoient leurs enfants à l’école, en quoi la