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Page:Asselin - Pourquoi on aime la France, c1917.djvu/11

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pourquoi on aime la france

résumé mes préférences et mes antipathies en ce laconique jugement : l’Allemand sait tout et il ne comprend rien ; le Français ne sait rien et il comprend tout. À vrai dire, je me rends parfaitement compte de l’excès qu’il y a à taxer d’ignorance le peuple qui, depuis toujours, a tenu la tête du mouvement scientifique en Europe, et qui, dans son culte pour la science, est allé jusqu’à en vouloir faire le fondement de sa morale. Ce que je voulais dire, c’est que le Français comprend tout, même quand, selon la prétention allemande, il ne sait rien, et que l’Allemand ne comprend rien, même quand, selon ses prétentions, il sait à peu près tout.

Sur ce point, ma religion s’est éclairée d’une expérience personnelle. Tous, vous avez lu le livre de M. André Siegfried sur le Canada. Il est telles conclusions de cet ouvrage qui sont très discutables, mais, après deux mois passés chez nous, M. Siegfried a trouvé moyen de condenser en une lumineuse synthèse de 350 pages tout ce qu’il faut — ou du moins tout ce qu’il fallait il y a dix ans — pour se faire sur notre situation politique une opinion juste. À l’aide des faits qu’il a groupés, n’importe qui pourra, s’il le veut, rectifier ses conclusions. Cela, c’est la méthode française. Il y a quelques années, un professeur de langues romanes dans une école américaine, avec qui j’étais entré en relations par hasard, me soumit quelques fascicules d’un annuaire de littérature universelle publié chez vos voisins et censé contenir, entre autres choses, un résumé de la production intellectuelle canadienne-française. Vous connaissez le genre. De cet amas de fiches uniformes, colorées uniformément et sans égard au mérite des ouvrages, et d’où les œuvres les plus intéressantes — celles surtout qui auraient tout de suite frappé un esprit français — avaient été omises, je défierais bien qui que ce soit de dégager une impression quelconque de notre situation littéraire. Cela, c’est la méthode allemande.

Dans quelque encyclopédie teutonne, moi qui vous parle, je suis « fiché ». Je suis donc, en quelque sorte,