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Page:Asselin - Pourquoi on aime la France, c1917.djvu/7

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pourquoi on aime la france

mort des preuves, hélas ! irrécusables, de leur esprit méthodique et organisateur ; et celles-là, inutile de prononcer leur nom, il s’est tout de suite vomi sur vos lèvres. Mais ce qui fait de la France — supérieure à la Grèce par le sérieux et à Rome par le sens de la justice, — une nation unique dans l’histoire, c’est son culte inlassable et profond des idées. Tant que par spiritualisme il faudra entendre la subordination de la matière à l’esprit, non la poursuite d’un but vaguement spirituel par les voies les plus misérables de la matière, la France sera la plus grande puissance spirituelle des temps présents. Nous allons nous battre pour la France comme nos pères, hommes de loi, allaient se battre pour le pape en 1869 ; parce que, dans un âge où l’accroissement subit de la richesse économique a partout fait crever comme autant d’abcès la cupidité, l’égoïsme, l’envie, la haine, la France victorieuse après l’épreuve qu’elle traverse en ce moment, la France non pas régénérée, la France recueillie, la France grave, sans peur et sans haine, abaissant son glaive et laissant déborder de son sein fécond sur le monde « le lait des humaines tendresses », sera plus que jamais nécessaire à l’humanité.

C’est ensuite que nous, les Français d’Amérique, nous ne resterons Français que par la France. Voilà, Mesdames et Messieurs, une idée qui n’est pas nouvelle sur mes lèvres. Depuis seize ans que je tiens une plume dans la presse française au Canada, toujours j’ai eu les yeux fixés sur cette boussole. Pendant que d’autres, pour mieux couper de ses sources le Canada français, feignaient de croire tout l’esprit de la France enfermé dans de vaines formules lexicologiques, je n’ai cessé de crier qu’à moins d’un contact plus intime avec le foyer principal de la pensée française, il n’y aurait pour nous pas d’existence possible, pas de réaction, pas de lutte possible contre le matérialisme américain, poison de nos âmes, infection de nos vies. La guerre dure depuis dix-huit mois, et déjà nous sentons autour de nous et en nous, par suite de la disparition graduelle du livre français, une raréfaction de vie intellectuelle. Nous