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Page:Asselineau - Le Livre des sonnets.djvu/132

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des sonnets


L’Impaſſible




La Satiété dort au fond de vos grands yeux ;
En eux, plus de déſirs, plus d’amour, plus d’envie ;
Ils ont bu la lumière, ils ont tari la vie,
Comme une mer profonde où s’abſorbent les deux.

Sous leur bleu ſombre on lit le vaſte ennui des Dieux,
Pour qui toute chimère eſt d’avance aſſouvie,
Et qui, ſachant l’effet dont la cauſe eſt ſuivie,
Mélangent au préſent l’avenir déjà vieux.

L’infini s’eſt fondu dans vos larges prunelles,
Et devant ce miroir qui ne réfléchit rien
L’Amour découragé s’aſſoit, fermant ſes ailes.

Vous, cependant, avec un calme olympien,
Comme la Mnémoſyne à ſon focle accoudée,
Vous pourſuivez rêveuſe, une impoſſible idée.


Théophile Gautier.