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Page:Audet - Les députés de la région des Trois-Rivières (1841-1867), 1934.djvu/44

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fût. Il ne consultait, en effet, ses amis, ses lieutenants, que lorsqu’il ne pouvait faire autrement, et si les avis reçus ne concordaient pas avec ses désirs, il ne se faisait pas faute de les écarter et de passer outre.

Papineau avait de belles qualités : une grande puissance de travail, une parole facile et abondante, une mémoire bien servie par de nombreuses lectures, une connaissance assez approfondie de l’histoire constitutionnelle de l’Angleterre et des États-Unis, mais il manquait de connaissances générales et, par conséquent, d’envergure dans les idées.

Aucun autre homme politique canadien n’a joui d’autant de popularité que Papineau. Il était l’idole du peuple. Son nom est passé en proverbe. Un fluide magnétique semblait se dégager de sa personne ; il attirait les foules et les faisait tressaillir. Sorti du peuple, il connaissait sa sensibilité, il en avait les instincts et la vision d’un idéaliste.

« Le peuple aime les gestes expressifs qui s’aperçoivent de loin et par-dessus les têtes. Il aime les voix chaudes et vibrantes… Parlez-lui de patrie, de justice et de liberté, si vous voulez qu’il vous entende, qu’il vole dans vos bras et que son cœur soit à vous », a dit l’auteur des « Études sur les orateurs parlementaires ». Papineau connaissait le procédé et il en usait largement, quoique tout probablement d’une manière plus ou moins consciente. Il s’emportait en parlant ; il se grisait lui-même de ses propres paroles comme il enthousiasmait ses auditeurs. Le peuple canadien est grand admirateur de l’éloquence. Un beau parleur peut le manier à sa guise. C’est ce qui explique, en grande partie, l’ascendant de Papineau sur les masses. Au physique, c’était un bel homme ; de haute stature, des épaules larges, couronnées par une tête puissante aux traits fins et réguliers. C’était un homme qui attirait l’attention.

« De tous les hommes qui brillaient alors dans l’enceinte parlementaire ou sur les hustings, dit Benjamin Sulte[1], le plus nouveau, le plus admiré, le plus étonnant était le jeune Louis-Joseph Papineau… Il arrivait en Chambre précédé d’une réputation d’orateur et d’homme d’étude. On raconte que son premier discours

  1. Hist, des Can. fran., VIII, 72.