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Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/14

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Elle était grande et bien faite aussi, mais il fallait la regarder exprès pour s’en apercevoir, tant elle paraissait toujours effacée et lointaine. Elle parlait doucement et posément ; et s’il arrivait qu’elle fût obligée d’adresser un reproche à quelqu’un, elle rougissait et se troublait comme si elle était elle-même la coupable.

Le patron avait pour sa femme une tendresse pleine d’admiration, et souvent il nous disait :

— Personne n’est comme elle.

Dès qu’elle sortait, il se mettait à la fenêtre pour la voir passer d’un trottoir à l’autre, et si elle tardait à revenir, il la guettait et devenait inquiet.

Dans ces moments-là, les ouvrières savaient bien qu’il ne fallait rien lui demander.

Aujourd’hui l’espoir du travail apportait de la joie dans l’atelier. Il n’était question que d’une nouvelle cliente dont les paiements seraient sûrs, parce qu’elle tenait un commerce important, et qui nous donnerait beaucoup d’ouvrage parce qu’elle avait cinq filles.

Le patron pressait sa femme d’aller chercher les étoffes annoncées :

— Vite, vite, disait-il.

Et il s’agitait si fort, qu’il heurtait les mannequins et les tabourets.

Mme Dalignac riait, et tout le monde en faisait autant.

Le soleil paraissait rire avec nous aussi. Il rayonnait à travers la vitre et cherchait à se poser