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Page:Audoux - L Atelier de Marie Claire.djvu/265

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roulaient les brouettes chargées de pelles et de tuyaux, et les femmes portaient plusieurs balais sur l’épaule. Tous s’en allaient lentement, avec une démarche lourde comme s’ils étaient déjà fatigués de la journée à venir.

Les chevaux attelés aux tombereaux débouchèrent à leur tour de la rue voisine. Eux aussi avançaient lentement. Leurs fers claquaient à faux sur le pavé. Et sous l’énorme lassitude qui semblait peser sur eux, leur échine se creusait, et leur ventre se rapprochait de terre.

Je refermai la fenêtre quand ils eurent disparu sous les lumières lointaines, mais il me fut impossible de me tenir tranquille.

Pour ne pas réveiller Mme Dalignac que j’entendais remuer et se plaindre en dormant, j’entrai dans l’atelier où il me sembla bientôt que je troublais le repos des machines. À mon passage, l’une d’elles laissa tomber une goutte d’huile. Une autre fit deux tours de roue lorsque je frôlai sa courroie et deux ou trois firent entendre de forts craquements quoique je fusse loin d’elles.

Je revins dans la pièce de coupe, et j’essayai de dormir quelques minutes sur la table, comme au temps des dures veillées, mais ce ne fut pas le sommeil qui vint, ce fut le souvenir d’une scène qui me faisait détester Clément et que les balayeurs m’avaient fait oublier un instant.

La veille, tandis qu’il se préparait à emporter la chaise longue du patron ainsi que trois des meilleurs tabourets, Mme Dalignac l’avait retenu