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Page:Augagneur, Erreurs et brutalités coloniales, Éditions Montaigne, 1927.djvu/152

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rhique guerrière ; les enfants de l’école chantaient une Marseillaise discordante, offraient un bouquet et récitaient un compliment au protecteur de Madagascar ; l’administrateur français lisait un discours célébrant les progrès de la civilisation consécutifs au développement de l’assistance médicale et de l’instruction. Puis la parole était donnée à quelque chef docile, habile au kabary : en langue malgache il clamait la reconnaissance des indigènes pour le gouverneur général, leur dévouement à la France bien-aimée.

Entouré, guidé par les autorités du lieu, tant civiles que militaires, le gouverneur général ne voyait que ce qu’on lui montrait, ne pouvait guère juger que des travaux publics en exécution. Des agissements directs de ses subordonnés, il ne savait et ne pouvait rien connaître, pas plus que de l’état d’esprit des indigènes. Cet esprit il ne le jugeait qu’à travers les manifestations imposées d’enthousiasme. À travers aussi les discours des administrateurs. S’il avait pu, par l’intermédiaire d’un interprète honnête, n’appartenant pas à la région, interroger les prisonniers, peut-être aurait-il appris quelque chose. Je dis « peut-être », parce qu’il est difficile de tirer de l’indigène naturellement dissimulé, défiant, craintif, une réponse nette : on n’arrive à obtenir de lui quelque clarté, à aborder un sujet brûlant, qu’après de longs préambules. Mais le gouverneur général, au cours d’une tournée, ne voyait jamais les prisonniers que par une porte entr’ouverte et vite refermée.

Sur la révolte de 1904, l’opinion de tous, gouverneur général, ministre, était donc faite, définitive : la sauvagerie des indigènes, qui résistaient aux procédés humains et généreux de l’autorité