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Page:Augier - Théatre complet, tome 7.djvu/12

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m’en inquiéterais guère. Jean est ici dans une situation délicate. Je me mets à sa place. Si j’avais été votre fiancé pendant un long temps, vivant près de vous, sous le même toit, vous voyant tous les jours, à toute heure, ainsi qu’il fait avec Marie, dame je l’avoue, les jours m’auraient semblé longs.

La Comtesse.

Eh bien, mon ami, ne pourriez-vous pas rapprocher l’époque de leur mariage ?

Le Comte.

J’y ai pensé plus d’une fois ; je le voudrais, et je ne le puis. Marie m’a été léguée par son père ; elle a grandi sous notre toit. Dans huit mois, elle sera majeure ; attendons jusque-là. Je ne doute pas de son affection pour Jean, je crois à la solidité de leur tendresse mutuelle ; mais je suis encore le tuteur de Marie. Elle est plus riche que mon fils, j’entends qu’elle dispose librement de sa main ; je veux que Jean tienne sa femme d’elle-même plutôt que de moi.

La Comtesse.

Ne craignez-vous pas, mon ami, que ces scrupules ne soient un peu exagérés peut-être ?

Le Comte.

Croyez-moi, les scrupules sont l’avant-garde de l’honneur, et, lorsqu’ils tombent, l’honneur reste à découvert

La Comtesse.

C’est que Marie paraît s’alarmer, elle aussi. La nouvelle attitude de Jean, son air distrait, ses longs silences la troublent et ! a préoccupent. Elle n’est pas dans le secret de l’ennui qu’il laisse voir ; elle en cherche la cause, et, l’autre jour, je l’ai surprise qui pleurait.