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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/112

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croire autant pour tous. Leurs langues mauvaises cherchent des jouissances dans nos douleurs ; nous les comparerions aisément à ces chiens (si toutefois on pouvait les entendre en mal), qui léchaient les plaies du pauvre couché devant la porte du riche, et supportant toutes sortes de rudes et indignes traitements, jusqu’à ce qu’il fût arrivé au repos du sein d’Abraham[1].

7. Ne m’affligez pas d’avantage, vous qui avez quelque espérance en Dieu ; n’ajoutez pas des plaies aux plaies que ceux-là lèchent, vous pour lesquels nous nous exposons à toute heure, nous combattons au-dehors, nous craignons au-dedans[2], nous bravons le péril dans la ville, le péril dans le désert, le péril de la part des gentils, le péril de la part des faux frères[3]. Je sais que vous souffrez, mais souffrez-vous plus que moi ? je sais que vous êtes troublés, et je tremble qu’au milieu de tant de discours des langues envenimées, le faible ne défaille et ne périsse, le faible pour lequel le Christ est mort ; qu’un accroissement de douleur ne nous vienne pas de vous, parce que ce n’est pas notre faute si notre douleur est devenue la vôtre. Je n’avais épargné ni précaution ni effort pour éviter ce malheur et pour empêcher qu’il ne fût connu de vous ; car les forts devaient y trouver une affliction inutile et les faibles une dangereuse émotion ; mais que Celui qui a permis que vous fussiez tentés par la connaissance de ce scandale vous donne la force de le supporter, et qu’il vous instruise de sa loi ; qu’il vous affermisse par son enseignement et adoucisse pour vous l’épreuve des jours mauvais, jusqu’à ce qu’on ait creusé une fosse au pécheur[4].

8. J’entends dire que plusieurs d’entre vous sont plus contristés de ceci qu’ils ne l’ont été de la chute des deux diacres qui nous étaient revenus du parti de Donat ; ils en prenaient occasion d’insulter à la discipline de Proculéien[5], se vantant que jamais notre discipline n’avait produit rien de pareil pour nos clercs : qui que vous soyez qui ayez fait cela, je vous l’avoue, vous n’avez pas bien fait. Voilà que Dieu vous a appris que « celui qui se glorifie doit se glorifier dans le Seigneur[6] : » ne reprochez aux hérétiques que de ne pas être catholiques ; ne soyez pas semblables à ceux qui n’ayant rien pour justifier leur séparation, affectent de ramasser les crimes d’autrui et y ajoutent beaucoup d’insignes faussetés : ne pouvant obscurcir ni accuser la vérité même des divines Écritures qui annoncent l’universalité de l’Église du Christ, ils s’efforcent de rendre odieux les hommes par lesquels cette vérité est prêchée et sur lesquels ils peuvent inventer tout, ce qui leur passe par l’esprit. Ce n’est pas ce que, vous avez appris à l’école du Christ, si toutefois vous l’avez bien entendu et si c’est lui qui vous a instruits[7]. Lui-même a prémuni ses fidèles contre les mauvais dispensateurs qui font le mal par eux-mêmes, et par lui enseignent le bien, quand il a dit : « Faites ce qu’ils disent ; ne faites pas ce qu’ils font : car ils disent et ne font pas[8]. » Priez pour moi, de peur que, prêchant, les autres, je ne sois réprouvé moi-même[9] ; mais si vous vous glorifiez, glorifiez-vous dans le Seigneur et non pas en moi. Quelque vigilante que soit la discipline de ma maison, je suis homme, et je vis parmi les hommes, et je n’ose me vanter que ma maison soit meilleure que l’arche de Noé où sur huit hommes il s’en trouva un de réprouvé[10] : qu’elle soit meilleure que la maison d’Abraham où il fut dit : « Chassez l’esclave et son fils[11] ; » meilleure que la maison d’Isaac dont il fut dit des deux jumeaux : « j’ai aimé Jacob, et j’ai haï Esaü[12] ; » meilleure que la maison de Jacob lui-même où le fils souilla le lit du père[13]) ; meilleure que la maison de David, dont un fils ne respecta point sa propre sœur[14], dont un autre fils se révolta contre la sainte mansuétude de son père[15] ; meilleure que la demeure de l’apôtre Paul qui, s’il n’avait eu avec lui que des bons, n’aurait pas parlé, comme je l’ai rappelé plus haut, « de ses combats au-dehors, de ses frayeurs au dedans, » et n’aurait pas dit au sujet de la sainteté et de la foi de Timothée : « Je n’ai personne qui prenne soin de vous autant que lui, car tous cherchent leurs propres intérêts et non point les intérêts de Jésus-Christ[16] ; » je n’ai garde de penser que ma maison soit meilleure que la société du Seigneur Jésus-Christ lui-même, dans laquelle onze disciples fidèles ont supporté le traître et voleur Judas ; meilleure enfin que le Ciel, d’où sont tombés des anges.

9. Je vous l’avoue, du reste, en toute simplicité

  1. Luc, XVI, 21-23
  2. II Cor. VII, 5
  3. Ibid. XI, 26
  4. Ps. XCIII, 13
  5. Proculéien était évêque donatiste à Hippone.
  6. I Cor. I, 31
  7. Ephés. IV, 20-21
  8. Matth. XXIII, 3
  9. I Cor. IX, 27
  10. Gen. IX, 27
  11. Ibid. XXI, 10
  12. Mal. I, 2
  13. Gen. XLIX, 4
  14. II Rois, XIII, 11
  15. Ibid. XV, 12
  16. Philip. II, 20, 21.