Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/121

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Jérusalem un jour de fête ; ce n’était point pour être vu des hommes, puisqu’il s’y rendit en secret.

19. Le même apôtre a dit : « Voilà que, moi Paul, je vous dis que si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien[1]. » Paul trompa donc Timothée et fut cause que le Christ ne lui servit de rien. Répondra-t-on que cette pratique n’ayant été qu’une feinte n’a pu nuire ? Tels ne sont point les termes de l’Apôtre ; il ne dit pas : Si vous vous faites circoncire sincèrement et non par dissimulation, mais il dit d’une façon absolue : « Si vous vous faites circoncire, le Christ ne vous servira de rien. » Vous voulez, vous, dans l’intérêt de votre opinion, qu’on sous-entende ces mots : Si ce n’est par dissimulation ; je demande, moi, que vous nous permettiez d’entendre que ceux-ci : Si vous vous faites circoncire, s’adressent à ceux qui voulaient être circoncis, parce qu’ils croyaient ne pouvoir se sauver autrement dans le Christ. Le Christ ne servait donc de rien à quiconque se faisait alors circoncire dans cet esprit, dans ce désir, dans cette intention ; l’Apôtre le dit ailleurs clairement : « Si c’est par la loi qu’on obtient la justice, le Christ est donc mort en vain[2]. » Le passage que vous avez rappelé vous-même le prouve aussi « Vous n’avez plus de part au Christ, vous qui prétendez être justifiés par la loi ; vous êtes « déchus de la grâce[3]. » L’Apôtre blâme donc ceux qui croyaient être justifiés par la loi et non pas ceux qui observaient ces cérémonies en l’honneur de leur instituteur divin, sachant bien leur signification prophétique, et jusqu’à quel temps elles devaient durer. De là ces mots : « Si vous êtes conduits par l’Esprit, vous n’êtes plus sous la loi[4] ; » d’où il résulte, observez-vous, que celui qui est sous la loi, non pas par condescendance, selon le motif que vous prêtez à nos anciens, mais en toute vérité, comme je l’entends, n’a pas l’Esprit-Saint.

20. C’est une grande question, ce me semble, de savoir ce que c’est que d’être sous la loi, dans le sens condamné par l’Apôtre. Je ne pense pas qu’il ait dit cela pour la circoncision ou pour les sacrifices faits par les juifs, et qui ne le sont plus par les chrétiens, ni pour autres choses de ce genre ; mais je pense qu’il l’a dit pour ce précepte même de la loi : « Tu ne convoiteras point[5], » que les chrétiens doivent certainement observer, et que l’Évangile nous prêche si clairement. Il assure que la loi est sainte, que le précepte est saint, juste et bon ; puis il ajoute : « Ce qui est bon m’a-t-il donc donné la mort ? pas du tout. Mais le péché, pour paraître d’autant plus péché, a causé ma mort par ce qui était bon ; de sorte que le pécheur, ou le péché est devenu excessif par le commandement[6]. » Ce que l’Apôtre dit du péché devenu excessif par la loi, il le dit ailleurs en ces termes : « La loi est survenue pour faire abonder le péché. Mais là où le péché a abondé, la grâce a surabondé[7]. » Et dans un autre endroit, après avoir parlé de la dispensation de la grâce qui seule justifie, il s’interroge en quelque sorte lui-même, et dit : « Pourquoi donc la loi ? » Il répond aussitôt : « Elle a été établie à cause des prévarications jusqu’à l’avènement de Celui à qui la promesse a été faite[8]. » Ceux qu’il dit être sous la loi d’une façon condamnable, ce sont ceux que la loi rend coupables ; car ils ne remplissent pas la loi, tant que, faute de comprendre le bienfait de la grâce pour observer les commandements de Dieu, ils comptent orgueilleusement sur leurs propres forces. Car « la plénitude de la loi est la charité[9] ; et la charité de Dieu s’est répandue dans nos cœurs, » non point par nous-mêmes, « mais par l’Esprit-Saint qui nous est donné[10]. » Pour traiter suffisamment cette question, il faudrait peut-être un volume tout exprès et assez étendu. Si donc ce précepte de la loi : Tu ne convoiteras point, si la faiblesse humaine sans le secours de la grâce de Dieu, tient l’homme sous le poids du péché, et condamne le prévaricateur plus qu’il ne délivre le pécheur ; à plus forte raison les prescriptions simplement figuratives, telles que la circoncision et les autres cérémonies condamnées à une abolition nécessaire par la révélation de la grâce, ne pouvaient justifier personne. Il ne fallait pourtant pas les rejeter comme les sacrilèges diaboliques des gentils, quoique la grâce qu’elles avaient prophétisée commençât à se révéler, mais il fallait en permettre un peu l’usage, à ceux-là surtout qui venaient de ce peuple à qui elles avaient été données. Elles furent ensuite comme ensevelies avec honneur pour être à jamais délaissées par tous les chrétiens.

  1. Galat. V, 2.
  2. Ibid. II, 21.
  3. Ibid. V, 4.
  4. Ibid. V, 18.
  5. Exod. XX, 17 ; Deut. V, 21.
  6. Rom. VII, 12, 13.
  7. Rom. V, 20.
  8. Gal. III, 19.
  9. Rom. XIII, 10.
  10. Ibid. V, 5.