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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/132

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d’y consentir ; et vous demeurez dans le même mal accompli par vos pères, qui ont divisé l’Église du Christ !

5. Ici peut-être, par la difficulté de me répondre, vous essayerez de défendre Optat ; non, non, frère, je vous en prie, ne l’essayez pas ; cela ne vous convient point, et si par hasard cela convient à d’autres, mais peut-on dire que quelque chose sied aux méchants ? ce n’est certes pas à Emérite qu’il appartient de défendre Optat. Ni de l’accuser, ajouterez-vous peut-être ; je le veux bien. Prenez un terme moyen et dites : « Chacun porte son fardeau[1], Qui êtes-vous pour juger le serviteur d’autrui[2] ? » Si donc le témoignage de toute l’Afrique, bien plus, de toutes les contrées où le nom de Gildon a retenti en même temps, ne vous suffit pas pour que vous vous prononciez sur Optat, et si vous craigniez de juger témérairement de choses inconnues, pouvons-nous ou devons-nous, d’après votre seul témoignage, porter une sentence téméraire contre ceux qui ont vécu avant nous ? Ce sera peu que vous les accusiez de choses inconnues, il faudra encore que nous y mêlions nos jugements ? Car lors même qu’Optat ne serait que faussement et calomnieusement accusé, ce n’est pas lui que vous défendez, c’est vous-même, quand vous dites J’ignore ce qu’il a été. Donc et à plus forte raison le monde oriental ignore ce qu’ont été ces évêques africains que vous condamnez avec plus d’ignorance encore ! Et néanmoins vous vous tenez criminellement séparés de ces Églises dont vous avez et dont vous lisez les noms dans les livres sacrés ! Si, je ne dis pas l’évêque de Césarée, mais celui de Sétif ne savait rien de son contemporain et de son collègue, votre évêque de Thamugade, tant décrié, tant déshonoré, comment les Églises des Corinthiens, des Éphésiens, des Colossiens, des Philippiens, des Thessaloniciens, d’Antioche, du Pont, de la Galatie, de la Cappadoce et des autres parties du monde, bâties par les apôtres au nom du Christ, ont-elles pu connaître les traditeurs africains, quels qu’ils aient été ? ou, si elles ne l’ont pas pu, comment ont-elles pu mériter que vous les condamniez ? Et cependant vous ne communiquez pas avec tous ces peuples, et vous dites qu’ils ne sont pas chrétiens et vous travaillez à les rebaptiser ? Que dire ? De quoi me plaindre ? Pourquoi des cris ? Si c’est à un homme sensé que je parle, il est indigné, et je le suis avec lui. Vous voyez bien assurément ce que je dirais si je voulais dire.

6. Est-ce que vos ancêtres formèrent entre eux un concile et condamnèrent le monde entier, eux exceptés ? L’appréciation des choses en est-elle venue au point que vous ne comptiez pour rien le concile des maximianistes, retranchés de votre schisme, parce qu’ils sont en petit nombre comparativement à vous, et que votre concile à vous doive compter pour beaucoup contre les nations qui sont l’héritage du Christ et contre tout l’univers promis à sa domination[3] ? Je doute qu’il ait du sang dans le corps celui qui ne rougit pas d’une prétention pareille. Répondez à ceci, je vous en prie, car j’ai entendu dire à quelques personnes, à qui je ne puis refuser confiance, que si je vous écrivais vous me répondriez. Je vous ai déjà, il y a longtemps, adressé une lettre ; vous est-elle parvenue ? m’avez-vous fait une réponse que je n’aurais pas reçue ? C’est ce que je ne sais pas. Aujourd’hui, en attendant, je demande que vous ne dédaigniez pas de me répondre ce que vous pensez. Mais veuillez ne pas aller à d’autres questions, car celle de savoir pourquoi s’est fait le schisme doit être le commencement d’un examen bien conduit.

7. Les puissances de la terre, lorsqu’elles frappent les hérétiques, se défendent par cette règle qui fait dire à l’Apôtre : « Celui qui résiste à la puissance, résiste à l’ordre de Dieu ; or, ceux qui résistent attirent sur eux-mêmes la condamnation. Car les princes ne sont point à craindre lorsqu’on ne fait que de bonnes actions, mais lorsqu’on en fait de mauvaises. Voulez-vous ne pas craindre le pouvoir ? faites le bien, et il vous louera : il est le ministre de Dieu pour votre avantage si vous faites le bien ; craignez-le au contraire si vous faites le mal, car ce n’est pas en vain qu’il porte l’épée ; il est le ministre de Dieu, chargé de sa vengeance, pour châtier celui qui fait le mal[4]. » Toute la question se réduit donc à savoir s’il n’y a rien de mal dans le schisme, ou bien si vous n’avez pas fait le schisme, et par conséquent, si c’est pour le bien que vous résistez aux puissances et non pour le mal, d’où sortirait pour vous la condamnation. Aussi c’est très-sagement que le Seigneur ne se borne pas à dire : « Bienheureux ceux qui souffrent persécution ! » Il a ajouté : « pour la justice[5]. » Je désire donc

  1. Gal. VI, 5
  2. Rom. XIV, 4.
  3. Ps. II, 8
  4. Rom. XIII, 2, 3, 4
  5. Matth. V, 10.