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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/136

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des calomnies auprès du même empereur ? Et maintenant y a-t-il autre chose contre vous que le jugement du grand Constantin lui-même contre votre parti, ce jugement que vos pères ont choisi, qu’ils ont arraché par des instances répétées, qu’ils ont préféré au jugement des évêques ? Si les décisions impériales vous déplaisent, qui a le premier obligé les empereurs à les prononcer ? Vous criez contre l’Église catholique à cause des arrêts impériaux rendus contre vous, avec autant de droit que les ennemis de Daniel, s’ils avaient crié contre le prophète, en se voyant dévorés par les lions auxquels il avait échappé et dont ils auraient voulu qu’il eût été la victime. Car il est écrit : « Il n’y a pas de différence entre les menaces du roi et la colère du lion[1]. » Daniel fut, jeté dans la fosse aux lions par les calomnies de ses ennemis ; son innocence triompha de leur malice ; il sortit de la fosse sain et sauf : mais eux y furent jetés et y périrent. De même vos pères livrèrent à la colère royale Cécilien et ceux de son parti ; son innocence l’ayant sauvé, vous souffrez de la part de ces mêmes rois ce que les vôtres ont voulu faire souffrir à nos catholiques ; il est écrit : « Celui qui creuse la fosse pour son prochain y tombera lui-même[2]. »

6. Vous n’avez donc pas à vous plaindre de nous ; et toutefois, la douceur de l’Église catholique aurait laissé dormir ces décrets des empereurs, si vos clercs et les circoncellions, portant au milieu de nous le trouble et la dévastation par des actes d’incroyable fureur et de cruauté, ne nous avaient contraints de nous en souvenir contre vous et de les faire remettre en vigueur. Car avant que ces récentes lois dont vous vous plaignez vinssent en Afrique, ils ont dressé, sur les chemins, des embûches à nos évêques, ils ont inhumainement brisé de coups nos clercs, gravement maltraité des laïques et mis le feu à Murs demeures. Un prêtre[3] qui, de sa propre et libre volonté, avait choisi l’unité de notre communion, a été par eux arraché à sa maison, meurtri de coups, roulé dans un gouffre de boue, habillé de jonc[4] il a plu à ses ennemis et relâché seulement après douze jours d’opprobre. Proculéien[5], promené dans la pompe de leur crime, objet de pitié pour les uns, de risée pour les autres, conduit ensuite partout où appelé en justice par notre évêque, feignit de ne rien savoir sur ce sujet, et cité une seconde fois, il fit la déclaration publique qu’il ne dirait rien de plus. Et ceux qui ont fait cela sont aujourd’hui vos prêtres, nous effrayant encore de leurs menaces et nous persécutant comme ils peuvent.

7. Et cependant notre évêque n’a pas porté plainte aux empereurs pour les injures et les persécutions que l’Église catholique a souffertes alors dans notre pays ; mais, un concile s’étant réuni[6], on vous a conviés à la paix, à des conférences entre vous : on espérait que la fin de l’erreur et le rétablissement de la paix apporteraient des joies à la charité fraternelle. Proculéien répondit à la sommation qui lui fut adressée, les actes publics vous l’apprennent, que vous assembleriez un concile de votre côté, et que vous y décideriez ce que vous aviez à nous dire ; puis, de nouveau pressé de remplir sa promesse, il déclara authentiquement qu’il se refusait à des conférences de paix. Comme ensuite, au vu et su de tout le monde, la barbarie de vos clercs et des circoncellions ne cessait pas, la cause fut entendue ; et quoiqu’on eût jugé Crispin hérétique, la mansuétude catholique ne permit pas qu’il supportât l’amende de dix livres d’or à laquelle les lois impériales condamnaient les hérétiques ; ce quine l’empêcha pas d’en appeler aux empereurs. Si l’appel a eu le résultat que vous connaissez, ne devez-vous pas vous en prendre à (iniquité antérieure de ceux de votre parti et à cet appel même ? Et, toutefois, après cette décision impériale, l’intercession de nos évêques auprès de l’empereur parvint encore à décharger Crispin de l’amende de dix livres d’or. Bien plus, ils envoyèrent à la cour des députés de leur concile[7] pour obtenir que tous vos évêques et vos clercs ne fussent pas, soumis a l’amende de dix livres d’or, portée contre tous les hérétiques, mais qu’elle fût seulement applicable à ceux dans les propriétés de qui l’Église catholique subissait des violences de votre parti. Mais quand les députés arrivèrent à Rome, l’empereur était sous le coup de l’émotion que lui faisaient ressentir les horribles blessures

  1. Prov. XII, 12
  2. Sir. XXVII, 29.
  3. Il s’agit du prêtre Restitut.
  4. Le texte porte Juda ; ce mot, qui appartenait à la langue vulgaire de l’Afrique n’est pas latin, mais nous savons qu’il désigne ici de la natte ou du jonc : amictu junceo dehonestatum (défiguré par un vêtement de jonc), dit ailleurs saint Augustin en racontant le même trait de violence.
  5. Proculéien était évêque donatiste à Hippone.
  6. À Carthage, en 403.
  7. Concile de Carthage de l’année 404.