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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/151

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feu les résistances. Maintenant s’accomplit ce qui, peu après, a été figuré dans le même roi, lorsque, converti au culte du vrai Dieu, il condamna à des peines méritées quiconque blasphémerait le Dieu de Sidrach, de Misach et d’Abdénago[1]. Le premier temps de ce roi représentait les premiers temps des princes infidèles, où les chrétiens ont subi les châtiments réservés aux impies ; le second temps de Nabuchodonosor a figuré les temps des derniers rois déjà fidèles, où les impies souffrent au lieu et place des chrétiens.

10. Mais, parmi ces chrétiens qui errent, séduits par des pervers, il peut y avoir des brebis du Christ qu’il faille ramener au bercail ; on doit donc tempérer la sévérité et conserver la mansuétude, et amener les dissidents, par les exils et les dommages, à considérer ce qu’ils souffrent et pourquoi ils souffrent et leur apprendre à préférer aux vaines rumeurs et aux calomnies des hommes les Écritures qu’ils lisent. Qui de nous, qui de vous ne loue les lois des empereurs contre les sacrifices des païens ? Et certes la peine ici portée est bien autrement sévère, car cette impiété est punie par la peine capitale. En ce qui vous regarde, les répressions sont plutôt un avertissement pour que vous renonciez à l’erreur, que la punition d’un crime. Car on peut aussi dire de vous, peut-être, ce que l’Apôtre dit des juifs : « Je leur rends ce témoignage qu’ils ont du zèle pour Dieu, mais non pas selon la science. Car ne connaissant pas la justice de Dieu et voulant établir leur propre justice, ils ne se sont point soumis à celle de Dieu[2]. » Voulez-vous en effet autre chose que d’établir votre propre justice, quand vous dites qu’il n’y a de justifiés que ceux qui auront pu être baptisés par vous ? Entre vous et les juifs dont parle ainsi l’Apôtre, la différence, c’est que vous avez les sacrements chrétiens, et qu’ils ne les ont pas encore. Quant au reste, quant à leur ignorance de la justice de Dieu et à leurs efforts pour établir leur propre justice, quant à leur zèle pour Dieu mais qui n’est pas selon la science, vous êtes entièrement semblables, excepté pourtant ceux d’entre vous qui, sachant bien où est la vérité, cèdent à leur perversité et osent la combattre : ce degré d’impiété surpasse peut-être l’idolâtrie. Mais, parce qu’ils ne peuvent pas être aisément convaincus (car ce mal est caché dans l’âme), on vous regarde tous comme moins éloignés de nous que les païens, et c’est pourquoi on vous traite avec moins de sévérité. Ce que je dis ici peut se dire également soit de tous les hérétiques qui, tout en conservant les sacrements chrétiens, demeurent séparés de la vérité ou de l’unité du Christ, soit de tous les donatistes.

11. En ce qui vous touche, vous qui non-seulement vous appelez donatistes, comme on appelle communément ceux du parti de Donat, mais qui portez proprement le nom de rogatistes à cause de Rogat, vous paraissez plus doux, il est vrai, parce que vous n’exercez pas de ravages avec les troupeaux furieux de circoncellions ; mais on ne dit pas qu’une bête est douce, si elle n’a blessé personne uniquement parce qu’elle n’a ni dents ni ongles. Vous assurez que vous ne voulez faire aucun mal, mais je crois que vous ne le pourriez pas. Vous êtes en effet trop peu nombreux pour oser vous remuer, quand même vous le désireriez, contre les multitudes qui vous sont contraires. Mais supposons que vous ne veuillez pas non plus ce que vous ne pouvez pas ; vous connaissez la parole de l’Évangile : « Si quelqu’un veut vous prendre votre tunique et plaider contre vous, laissez-lui votre manteau[3] ; » supposons que vous compreniez, que vous aimiez cette parole au point de ne songer à opposer à ceux qui vous persécutent, aucune injure, ni même aucun droit ; Rogat, votre chef, ne l’a certes pas entendue ni pratiquée ainsi, lui qui, réclamant je ne sais quoi que vous disiez être à vous, batailla avec une si ardente ténacité, même devant les tribunaux. Si on lui avait dit : Quel apôtre pour la cause de la foi défendit-il jamais ses intérêts en justice, comme vous m’avez dit dans votre lettre Quel apôtre pour la cause de la foi envahit-il jamais les biens d’autrui ? Il n’aurait trouvé dans les divins livres aucun exemple d’un fait pareil ; cependant peut-être aurait-il trouvé une véritable défense, s’il était resté dans la véritable Église et s’il ne s’était pas servi de ce nom sacré – pour posséder effrontément quelque chose.

12. En ce qui touche aux lois des puissances terrestres contre les hérétiques et les schismatiques, ceux de qui vous vous êtes séparés ont

  1. On sait que Sidracb, Misach et Abdénago étaient les trois compagnons de Daniel, à qui Nabuchodonosor avait donné sa confiance à Babylone.
  2. Rom. X, 2, 3
  3. Matth. V, 40