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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/164

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Baptisez-moi donc : ajoutez-vous. Je le ferais si vous n’étiez pas baptisé, ou si vous aviez été baptisé dans le baptême de Donat ou de Rogat, et non point dans celui du Christ. Ce ne sont pas les sacrements chrétiens qui vous font hérétique, c’est une détestable séparation. Le mal qui est venu de vous ne doit pas faire méconnaître le bien qui est demeuré en vous ; mais ce bien devient un mal pour vous, si vous ne l’avez pas dans l’unité qui en est la source. Car tous les sacrements du Seigneur proviennent de l’Église catholique ; vous les avez et vous les donnez comme ils étaient avant votre séparation ; vous les gardez quoique vous ne soyez plus là d’où ils viennent. Nous ne changeons point en vous les choses par lesquelles vous êtes avec nous, car vous êtes avec nous en beaucoup de choses, et il a été dit : « Ils étaient en beaucoup de choses avec moi[1] ; » mais nous corrigeons ce qui vous sépare de nous, et nous voulons que vous receviez ici ce que vous n’avez pas là où vous êtes. Vous êtes avec nous dans le, baptême, dans le symbole, dans les autres sacrements du Seigneur ; mais vous n’êtes pas avec nous dans l’esprit de l’unité et le lien de la paix ; enfin vous n’êtes pas avec nous dans l’Église catholique. Si vous recevez ces choses, vous ne commencerez pas à avoir ce que vous n’avez pas, mais ce que vous avez vous servira. Il n’est donc pas vrai, comme vous le croyez, que nous recevions les vôtres, quand ils viennent à nous ; mais nous les rendons nôtres en les recevant ; pour qu’ils commencent d’être à nous, il faut qu’ils cessent d’être à vous. Nous ne travaillons pas non plus à nous associer, des artisans de l’erreur que nous réprouvons, mais nous voulons les ramener dans nos rangs pour qu’ils ne soient plus ce que nous détestons.

47. L’apôtre Paul, dites-vous, a baptisé après Jean. A-t-il baptisé après un hérétique ? Si par hasard, vous osez appeler hérétique cet ami de l’Époux, et dire qu’il n’a pas été dans l’unité de l’Église, écrivez-le. Mais, si cela est insensé à penser ou à dire, votre prudence doit examiner pourquoi l’apôtre Paul a baptisé après Jean. S’il l’a fait après son égal, vous devez tous vous rebaptiser les uns après les autres : S’il l’a fait après un plus grand que lui, vous devez vous-même rebaptiser après Rogat. S’il l’a fait après un qui soit au-dessous de lui, Rogat a dû rebaptiser après vous, qui baptisiez, n’étant que simple prêtre. Mais, si le baptême gui se donne aujourd’hui est le même pour tous, malgré l’inégalité des mérites de ceux qui le confèrent, parce que c’est le baptême du Christ et non de ceux qui l’administrent, vous comprenez déjà, je pense, que le baptême du Christ, donné par l’apôtre Paul à quelques-uns, venait après le baptême de Jean, et non après le baptême du Christ ; car les divines Écritures nomment en plusieurs endroits ce premier baptême, le baptême de Jean, et le Seigneur lui-même le nomme ainsi : « D’où venait le baptême de Jean ? du ciel ou des hommes[2] ? » Or le baptême de Pierre n’était pas celui de Pierre, mais celui du Christ, et le baptême qu’a donné Paul n’était pas celui de Paul, mais celui du Christ ; il en est de même du baptême de ceux qui, au temps des apôtres, n’annonçaient pas le Christ avec pureté d’intention, mais avec un esprit jaloux[3], et du baptême de ceux qui, au temps de Cyprien, s’appropriaient frauduleusement des terres, et accroissaient leur profit par grosse usure. Et, parce que ce baptême était du Christ, il était d’une égale vertu, malgré l’inégalité des mérites de ceux qui le conféraient. Car si on est d’autant mieux baptisé qu’on l’a été par un plus digne ministre, l’Apôtre a eu tort de rendre grâces à Dieu de n’avoir baptisé personne parmi les Corinthiens, excepté Crispus et Caius et la maison de Stéphanas[4] : alors, en effet, les Corinthiens auraient été d’autant mieux baptisés qu’ils l’auraient été de la main de Paul. Enfin, quand il dit : « J’ai planté, Apollon a arrosé[5], » il semble indiquer. qu’il a évangélisé et qu’Apollon a baptisé. Apollon était-il meilleur que Jean ? Pourquoi donc Paul n’a-t-il pas rebaptisé après Apollon, lui qui l’avait fait après Jean, si ce n’est parce que ce baptême, donné par n’importe qui, était celui du Christ, et que l’autre donné également par n’importe qui, quoiqu’il préparât la voie au Christ, n’était que le baptême de Jean ?

48. Il semble qu’il y ait quelque chose d’odieux à dire qu’on a baptisé après saint Jean, et qu’on ne baptise pas après les hérétiques ; mais il sera aussi odieux de dire qu’on a baptisé après Jean, et qu’on ne baptise pas après des gens adonnés au vin : je signale ce vice parce qu’on ne peut pas le cacher, et qu’on le rencontre

  1. Ps. LIV, 19
  2. Matt. XXI, 25
  3. Philip. I, 15, 17
  4. I Cor. I, 14
  5. Ibid. III, 6.