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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/17

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4. La main du Seigneur est assez puissante pour protéger contre un forcené une veuve malheureuse et désolée, et le détourner, par des moyens qu’il connaît, d’un abominable dessein ; cependant, sous le coup de la profonde douleur que j’éprouve, que puis-je faire, sinon au moins de parler ? Ils font des choses pareilles, et on me dira, à moi : Taisez-vous ! Le Seigneur, par son apôtre, commande à l’évêque de réprimer ceux qui enseignent ce qu’il ne faut pas enseigner[1], et moi j’aurais peur d’eux et je me tairais I que Dieu me préserve de leurs colères ! Si j’ai voulu faire consigner ce sacrilège dans les registres publics, c’est pour empêcher qu’on ne dise qu’il est de pure invention, lorsque, surtout en d’autres villes, on m’entendra déplorer ce crime. Déjà, à Hippone même, ne répète-t-on pas que Proculéien n’a pas prescrit ce que les registres publics ont rapporté ?

5. Pouvons-nous agir avec plus ; de modération que de traiter une aussi grave affaire avec vous, qui êtes revêtu d’une haute dignité et qui réunissez tant de prudence à tant de calme d’esprit ? Je vous demande donc, comme je vous ai déjà demandé par nos frères, personnages bons et recommandables, que j’ai envoyés vers votre Excellence, de vouloir bien vous informer si Victor, prêtre de Proculéien, n’a pas reçu de son évêque l’ordre qu’il' a consigné dans les registres publics ; ou si Victor, ayant dit autre chose, ceux qui tiennent les actes ont écrit une fausseté, quoiqu’ils soient de la même communion que lui. Si Proculéien consent à traiter paisiblement la question qui nous désunit, afin que l’erreur, qui déjà est manifeste, éclate encore avec plus d’évidence, j’accepte volontiers la conférence. Car j’ai appris qu’il avait exprimé le désir de chercher la vérité selon les Écritures, en présence de dix hommes graves et honorables des deux partis, pour éviter ainsi le tumulte d’une nombreuse assemblée. Quelques-uns m’ont rapporté qu’il demandait pourquoi je n’étais pas allé à Constantine[2], où il y a eu réunion ; il dit aussi que je devrais aller à Milève, où ceux de son parti doivent tenir un concile ; ce sont là des propositions ridicules : l’Église d’Hippone est la seule dont le soin me regarde. C’est surtout avec Proculéien que je dois traiter la question. Si par hasard il ne se croit pas de force égale, qu’il se fasse assister du collègue qu’il voudra. Nous ne nous occupons pas des intérêts de l’Église en d’autres villes que les nôtres, excepté quand les évêques de ces mêmes villes, nos frères et nos collègues dans le sacerdoce, nous le permettent ou nous en chargent.

6. Je ne comprends pas qu’un homme comme Proculéien, qui se dit évêque depuis tant d’années, puisse craindre de conférer avec moi qui ne suis qu’un novice : redoute-t-il mes connaissances dans les lettres qu’il n’a peut-être jamais apprises, ou qu’il a apprises moins que moi ? Mais qu’ont à faire les lettres dans une question qui doit se discuter par les saintes Écritures ou avec les pièces et les actes ecclésiastiques et publics, toutes choses dans lesquelles Proculéien est versé depuis longtemps, et où il doit être plus habile que moi ? Enfin, nous avons ici mon frère et mon collègue Samsucius, évêque de l’Église de Tours[3] ; il n’a jamais étudié ces belles-lettres que paraît redouter Proculéien ; qu’il soit là et que Proculéien confère avec lui. Comme je mets ma confiance dans le nom du Christ, je prierai Samsucius de prendre ma place dans cette affaire, et il ne me le refusera pas ; le Seigneur l’aidera, j’en ai la confiance ; il l’aidera dans son combat pour la vérité : son langage est inculte, mais il est instruit dans la vraie foi. Il n’y a donc pas de raison pour que Proculéien nous renvoie à je ne sais quels autres athlètes donatistes, et ne veuille pas terminer entre nous ce qui nous regarde. Toutefois, comme je l’ai dit, je ne fuis pas non plus la lutte avec ceux-là, s’il les appelle à son aide.

LETTRE XXXV.

((Année 396.)

Efforts de saint Augustin pour amener l’évêque donatiste Proculéien à une discussion, à des explications, à la répression des clercs donatistes ; notre saint rapporte des faits scandaleux ou violents ; on veut qu’il se taise, mais son devoir est de parler

AUGUSTIN A SON EXCELLENT, JUSTEMENT CHER ET BIEN-AIMÉ SEIGNEUR ET FRÈRE EUSÈBE.

1. Je n’ai jamais songé, dans une démarche importune, à vous prier de vous rendre malgré vous juge entre les évêques, comme vous le dites. Si j’avais voulu vous persuader d’intervenir, peut-être vous aurais-je montré sans (10)

  1. Tit. I, 9.
  2. On peut voir dans notre Voyage en Algérie (Études africaines) la description de Constantine.
  3. Ville de la Numidie.