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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/194

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d’ombre et dévoré par l’a chaleur. Le resté de cette histoire mystérieuse de Jonas peut recevoir l’explication que l’on voudra, pourvu qu’on l’expose selon la règle de la foi. Mais pour ce qui est des trois jours passés dans le ventre de la baleine, il n’est pas permis de l’entendre autrement que nous l’a révélé le Maître céleste lui-même dans l’Évangile.

38. Nous avons répondu aux questions comme nous rayons pu ; mais que celui qui les a posées se fasse chrétien, de peur qu’en voulant auparavant finir les questions sur tes livres saints, il ne finisse sa vie avant de passer de la mort à la vie. On comprend qu’avant de recevoir les sacrements chrétiens il ait voulu s’instruire sur la résurrection des morts ; on peut lui concéder aussi d’avoir cherché à s’expliquer là tardive apparition du Christ sur la terre et à résoudre le petit nombre des autres grandes questions auxquelles le reste se rapporte. Mais se poser des questions comme celle-ci : « Vous serez mesurés à la même mesure dont vous aurez mesuré, » ou comme celle sur Jonas ou tout autre de ce genre, avant de se décider à se faire chrétien, c’est penser peu à la condition humaine et ne pas penser à l’âge. Car il y a d’innombrables questions qu’il ne faut pas finir avant de croire ; de peur que la vie ne finisse sans la foi ; mais, quand on est chrétien, on s’applique studieusement à ces difficultés pour le plaisir pieux des âmes fidèles, et on communique sans orgueilleuse confiance ce qu’on a appris ; et quant. à ce qui reste inconnu, on s’y résigne sans dommage pour le salut. s 

LETTRE CIII.


(Au mois de mars de l‘année 409.)

NECTARIUS A SON TRÈS CHER ET TRÈS-HONORABLE SEIGNEUR ET FRÈRE AUGUSTIN, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

Nos lecteurs connaissent le vieux Nectarius de Calame, ci-dessus, Lett. XC et XCI, pag. 133-134 ; voici une nouvelle lettre de lui, à l’occasion des faits violents dont nous avons parlé ailleurs. Le langage de Nectarius est à la fois un curieux monument des sentiments des païens de cette époque et un précieux témoignage de leur admiration pour saint Augustin. Du reste, Nectarius n’est pas exact dans sa réponse à l’évêque d’Hippone et ne plaide pas adroitement la cause de ses concitoyens.

1. En lisant cette lettre où Votre Excellence ruine le culte des idoles et toutes les cérémonies des temples, il m’a semblé entendre un philosophe, non pas celui qu’on montre à l’Académie et qui, retiré en un coin obscur, enfoncé dans la profondeur de sa pensée et la tête entre ses genoux, n’ayant rien à défendre qui lui soit propre, attaque les brillantes découvertes d’autrui et cherche à se consoler de sa pauvreté d’esprit par des accusations calomnieuses ; mais, frappé de votre parole, j’ai cru voir devant moi le consul Cicéron qui, après avoir sauvé : d’innombrables têtes de citoyens paraissait avec ses lauriers au milieu des écoles de la Grèce étonnées, et leur apportait les témoignages victorieux des causes gagnées au Forum ; hors d’haleine, il retournait cette trompette d’éloquence que sa juste indignation avait fait retentir contre les grands coupables et les parricides de la république, et raccourcissait les vastes plis de sa toge pour n’en faire qu’un manteau grec.

2. Je vous ai donc écouté volontiers quand vous nous avez poussés au culte et à la religion du Dieu qui est au-dessus de tous ; quand vous nous avez engagés à lever les yeux vers la céleste patrie, j’ai recueilli vos paroles avec reconnaissance ; car la patrie dont vous sembliez parler n’est pas cette cité entourée de murs ni celle que les philosophes nous présentent ; dans le monde, comme étant commune à tous ; mais c’est celle que le grand Dieu habite et avec lui les âmes qui ont bien mérité de lui, c’est celle à laquelle toutes les lois aspirent par des voies et des sentiers divers, que nous ne saurions représenter par le langage, mais que la pensée peut-être peut découvrir : Quoiqu’il faille surtout aimer cette patrie et y aspirer de tous nos vœux, je ne crois pas pourtant que nous devions abandonner celle où nous sommes nés, où pour la première fois nos yeux se sont ouverts à la lumière celle qui nous, a nourris et formés ; et, pour toucher ici à mon sujet particulier, de doctes hommes déclarent que ceux qui ont bien mérité de cette patrie, trouvent après leur mort une place dans le ciel ; ils enseignent que les services rendus à nos cités natales sont des titres pour être admis à la cité d’en-haut et qu’on demeure d’autant plus avec Dieu qu’on a contribué à sauver son pays par ses conseils ou ses œuvres Vous nous dites en plaisantant que ce n’est point par l’éclat des armes que brille notre ville, mais par les flammes des incendies et qu’elle produit plus d’épines que de fleurs ; ce reproche n’est pas : très-grand, parce que nous savons que, le plus souvent les fleurs naissent des épines. Car personne n’ignore que ce sont les épines qui produisent les roses et que les grains mêmes des épis sont hérissés de barbes, de façon que le doux et le rude se mêlent plus d’une fois.

3. Vous dites à la fin de votre lettre qu’on ne demande, pour venger l’Église, ni la tête ni le sang de personne, mais qu’on doit enlever aux coupables les biens qu’ils craignent tant de perdre. Pour moi, si je ne, me trompe ; je trouve la spoliation plus : rigoureuse que la mort. Vous le savez, on lit souvent dans les livres que la mort ôte le sentiment de tous les maux, et qu’une vie d’indigence rend malheureux pour toujours : il est plus tris