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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/210

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baptême est saint venant de celui-ci, non de celui-là ?

4. Toutefois vos collègues ont maintenu les droits de la vérité là où ils ont voulu ; à cause de ce qui est dû au Seigneur, ils ont jugé saint non-seulement le baptême de Primien dans votre communion, mais encore le baptême de Félicien dans le schisme sacrilège de Maximien ; et après le retour de Félicien ils n’ont osé toucher ni au caractère qu’il avait reçu parmi vous, ni même à celui que le déserteur avait imprimé aux autres en sortant de vos rangs, parce qu’ils y ont reconnu le caractère royal. Vous ne voulez pas les juger sur une aussi bonne action où il serait louable pour vous de les imiter, et vous les suivez quand ils méritent qu’on déteste leurs exemples. Vous craignez de juger Primien de peur d’être forcé de le désapprouver ; mais jugez-le, et vous y trouverez beaucoup à louer. Nous ne voulons pas vous rappeler ce que Primien a fait de mal, mais ce qu’il a fait de très-bien ; en recevant les chrétiens baptisés dans un détestable schisme par celui qui l’avait condamné lui-même, il a rectifié l’erreur des hommes et n’a pas détruit les sacrements de Dieu. Il a reconnu le bien du Christ jusques dans des hommes pervers ; et il a corrigé le mal des hommes sans porter atteinte au bien du Christ. Si ce fait vous déplait, réfléchissez du moins à ceci avec toute l’attention de votre bon esprit : c’est que vous ne jugez pas Primien sur les faits de Primien lui-même, et que vous jugez le monde chrétien sur les faits de Cécilien. Vous craindriez d’être souillé par la connaissance de ce que vous n’oseriez punir ; pourquoi donc ne pas absoudre les nations qui n’ont pas pu savoir ce dont vous les accusez ?

5. Et ceci n’est pas le fait de Primien tout seul ; vous savez, je pense, que près de cent de vos évêques, dans un coupable accord avec Maximien, ont osé condamner Primien. Le concile de Bagaïe, composé de trois cent dix évêques, « lança la foudre de ses décrets, » ce sont ses termes, sur Maximien, le déclarant ennemi de la foi, violateur adultère de la vérité, ennemi de l’Église sa mère, ministre de Dathan, Coré et Abiron, et le retrancha du sein de la paix. » Douze autres évêques qui avaient assisté à son ordination lorsqu’on l’éleva contre Primien, furent aussi sans délai frappés de condamnation ; quant aux autres, et afin de ne pas trop en retrancher, on leur marqua un jour pour revenir, et ce retour devait leur valoir la conservation de leurs dignités. Ainsi les trois cent dix ne craignirent pas de leur ouvrir leurs rangs, quoiqu’ils eussent participé au sacrilège de Maximien, se ressouvenant peut-être de ces paroles : « La charité couvre la multitude des péchés[1]. » Or ces évêques, à qui on avait assigné un délai, baptisèrent hors de votre communion tous ceux qu’ils purent baptiser ; s’ils n’avaient pas été hors de votre communion, ils n’auraient pas été invités à y revenir à un temps marqué. De plus, avant et après l’expiration de ce délai, les douze autres évêques condamnés avec Maximien furent cités devant trois proconsuls ou davantage ; on voulait les chasser de leurs sièges par jugement : parmi eux figuraient Félicien, évêque de Musti, dont je ne parle pas, et Prétextat, évêque d’Assuri, mort récemment, et à la place duquel, après sa condamnation, un autre avait été déjà ordonné. Ces deux évêques, après leur condamnation immédiate, après l’expiration du délai assigné aux autres, après avoir été cités avec si grand bruit devant tant de pro-consuls, ont été remis dans l’intégrité de leurs honneurs, et aucun de ceux qu’ils avaient baptisés ne l’a été une seconde fois ; ils ont été reçus non-seulement par Primien, mais par beaucoup de vos évêques réunis pour célébrer l’anniversaire de l’ordination épiscopale d’Optat, de Thainugade. Si on doute de ce que j’avance ou si on prétend en nier quelque chose, qu’on m’oblige de prouver ce que je dis, et de le prouver au risque de perdre mon évêché.

6. La cause est jugée, mon frère Macrobe c’est Dieu qui l’a fait, c’est Dieu qui l’a voulu ; il a été dans le dessein secret de sa providence de mettre sous vos yeux l’affaire de Maximien comme un miroir où vous puissiez apprendre à vous corriger, afin qu’il y eût un terme à ces longues calomnies répandues contre nous, ou plutôt contre l’Église du Christ qui s’étend sur toute la terre, je ne dis point par vous, car je ne veux pas vous offenser, mais assurément par les gens de votre parti. Car il n’est rien resté des témoignages de l’Écriture qu’ont coutume de produire contre nous des hommes qui ne les comprennent pas. Ils ont toujours à la bouche ces paroles : « Abstenez-vous de l’eau étrangère[2]. » Mais on leur répond Ce n’est pas une eau étrangère quoiqu’elle soit

  1. I Pierre, IV, 8.
  2. Prov. IX, 18.