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Page:Augustin - Œuvres complètes, éd. Raulx, tome II.djvu/215

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et le nôtre la souffrance. Mais, comme je l’ai déjà dit, disputez cette gloire aux maximianistes, qui lisent en face de vous les actes publics des persécutions que vous leur avez fait souffrir par des sentences arrachées aux tribunaux. Peut-être cependant, après cette correction infligée à quelques-uns d’entre eux, vous êtes-vous mis ensuite d’accord ; ce qui nous permet de ne pas désespérer de notre propre réunion, si Dieu daigne nous aider et vous inspirer un esprit de paix. Il est une parole du Psalmiste que les gens de votre parti nous appliquent avec plus de calomnie que de vérité ; c’est celle-ci : « Leurs pieds sont légers pour courir à l’effusion du sang[1] ; » c’est plutôt nous qui avons éprouvé la vérité de ce passage de l’Écriture, avec vos circoncellions et vos clercs, qui ont exercé tant d’atrocités sur des corps humains et répandu en tant de lieux le sang de nos catholiques. Leurs chefs vous escortaient avec leurs troupes, à votre entrée dans ce pays, chantant des cantiques à la louange de Dieu ; et ils se font de ces chants sacrés comme une trompette de bataille dans tous leurs brigandages. Un autre jour néanmoins leur conduite vous inspira plus d’indignation que leurs hommages de plaisirs ; vous leur fîtes entendre, en langue punique, à l’aide d’un interprète, et avec une noble et généreuse liberté, des paroles justement sévères qui les piquèrent au vif ; ils sortirent comme des furieux du milieu de l’assemblée, ainsi que nous l’avons ouï dire à des témoins, et, après que leurs pieds se furent élancés pour répandre le sang, vous ne rites pas purifier avec de l’eau salée le pavé qu’ils avaient foulé : comme nos clercs ont cru devoir le faire à la sortie de nos catholiques.

15. Mais, ainsi que je commençais à le dire, ce passage de l’Écriture, leurs pieds sont légers pour courir à l’effusion du sang ; que vous jetez contre nous plutôt comme une injure que comme un reproche mérité, le concile de Bagaïe l’a vivement et pompeusement appliqué à Félicien et à Prétextat eux-mêmes. Car les Pères de ce concile, après avoir traité Maximien comme ils l’avaient jugé à propos, disaient : « Le juste arrêt de mort qui le frappe  à cause de son crime ne le frappe pas tout seul ; il entraîne dans son iniquité, comme par une chaîne de sacrilège, plusieurs dont il a été écrit : Le venin des aspics est sur les lèvres de ceux dont la bouche est pleine de malédiction et d’amertume ; leurs pieds sont légers pour courir à l’effusion du sang. » Cela dit, et pour montrer ensuite quels étaient ceux que la chaîne du sacrilège entraînait dans la complicité du crime de Maximien, et que le concile condamnait aussi sévèrement que lui, on déclarait coupables d’un crime infâme Victorien, évêque de Carcarie et les onze autres évêques, parmi lesquels Félicien de Musti et Prétextat d’Assuri. Après les avoir jugés de la sorte, on s’est si bien entendu avec eux qu’ils n’ont rien perdu de leurs dignités, et que parmi ceux qu’avaient baptisés ces évêques prompts à répandre le sang, nul n’a été condamné à être baptisé de nouveau. Pourquoi donc désespérer de notre réunion ? Que Dieu écarte la haine du démon, « et que la paix du Christ triomphe dans nos cœurs[2], » selon la parole de l’Apôtre ; pardonnons-nous aussi mutuellement, ainsi que dit le même Apôtre, si nous croyons avoir à nous plaindre les uns des autres, comme Dieu nous a pardonné dans le Christ[3], afin que (je l’ai déjà dit et il faut le dire souvent), la charité couvre la multitude des péchés[4].

16. Quant à vous, mon frère, avec qui je discute en ce moment, vous de qui je désire me réjouir dans le Christ, comme le Christ le sait, si vous voulez appliquer votre esprit et votre éloquence à la défense du parti de Donat, dans cette affaire de Maximien, et ne point obscurcir à cet égard la vérité, car le souvenir en est récent, les témoins sont encore là, et nous avons les actes proconsulaires et municipaux, dont l’Église catholique a toujours pris ses renseignements contre vous ; vous avouerez qu’on ne peut plus entendre, comme on l’a fait jusqu’à présent dans votre parti, les passages de l’Écriture sur l’eau étrangère, sur l’eau du mensonge, sur le baptême du mort, et autres passages de ce genre ; vous conviendrez que le baptême du Christ donné à l’Église pour le salut éternel, ne peut pas s’appeler étranger, même conféré hors de l’Église, et par des étrangers, mais qu’il garde sa valeur mystérieuse pour la perte des étrangers et pour le salut des vrais enfants de l’Église ; vous reconnaîtrez que quand les errants reviennent à la paix catholique, on les redresse sans détruire le sacrement, et que ce qui était nuisible dans la séparation devient profitable dans l’unité ; pour que vous ne vous embarrassiez

  1. Ps. XIII, 3.
  2. Coloss. III, 15.
  3. Ibid. 13.
  4. I Pier. IV, 8.